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Et si c’était l’inverse ? – L'!NSENSÉ
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Et si c’était l’inverse ?

Premier partenariat entre les sites Insensé et Agora: critique à propos de l’intervention artistique Réplique d’Evelise Mendes, présentée dans le cadre du colloque La critique, un art de la rencontre. Ce texte sera également publié sur AgoraCritica

Au cours des dernières années, sous le gouvernement du Parti des Travailleurs/ Partido dos Trabalhadores, PT (2003 – 2016), le Brésil a connu la mise en oeuvre de politiques publiques de « discrimation positive », d’initiatives en faveur des populations démunies et à engager une lutte contre la misère. Cette politique s’est traduite par l’élèvation des taux de scolarisation, à quoi s’est ajoutée la création de conditions afin que les pauvres, noirs et indigènes, puissent accéder à l’école.
Dilma Rousseff (PT), présidente élue avec 55,7 millions de votes en 2014, a été destituée du pouvoir en raison d’un coup d’État parlementaire à la fin du mois d’août 2016. Les politiques qui ont soutenu son processus d’impeachment sont les mêmes qui défendent le projet de loi d’externalisation de la force de travail, dont les principales conséquences sont la flexibilisation et la précarisation des droits des travailleurs.
Il existe beaucoup de monde pour croire que le réel objectif de ce « coup d’Etat » était de transférer Petrobrás (entreprise pétrolière de l’État brésilien) vers un capital privé, et de libérer l’exploitation des gisements pétrolifères (dits pré-sel) aux grandes puissances mondiales. De fait, un député brésilien a déjà déposé un projet de loi pour ouvrir la possibilité d’exploitation du « pré-sel » par des multinationales sans avoir l’obligation de passer par la Petrobrás.
Il y a d’autres personnes qui ne savent plus qui croire.
L’intervention artistique Réplique, de la brésilienne Evelise Mendes reprenait ces « motifs de l’histoire du Brésil ». Présentée dans le cadre du colloque international La critique, un art de la rencontre (du 2 au 4 novembre 2016) à Marseille, Réplique était une manière de dénoncer la situation actuelle du Brésil qui vient de se soumettre aux intérêts internationaux.
Librement inspirée de l’oeuvre d’Eduardo Galeano (1940-2015) Les Veines ouvertes de l’Amérique latine (1971), la performance d’Evelise Mendes travaillait cette question des effets du colonialisme jusqu’à aujourd’hui. Jouée pendant les communications des universitaires qui exposaient leur pensée, c’était une manière de rapprocher esthétique et politique, de rappeler l’actualité de cet essai qui est toujours éclairant aujourd’hui.
Au moment de rentrer dans la salle du « petit théâtre » du Théâtre National de la Criée, le public a ainsi pu découvrir une femme inerte (Evelise Mendes), au pied de la table où les universitaires prenaient la parole. Sous la grande table des communications, aux pieds des intervenants – des hommes blancs européens –, une partie de son corps était recouvert par le tissu rouge du meuble. Sa tête, penchée d’un côté. Dans sa main gauche, une langue de bœuf.
L’intervention artistique était fortement symbolique. À côté de cette figure, il y avait un autel rempli d’images de jésuites, de penseurs classiques européens, et de colonisateurs de l’Amérique du Sud – puisque le Brésil était déjà habité par les indiens ; il faut toujours se souvenir que Pedro Alvares Cabral ne l’a pas découvert, mais il l’a envahi. Sur l’autel, il y avait aussi du sucre (un des symboles de l’exploitation brésilienne) et des bougies.
« Soignée » par la performeuse Isabelle Lorenzi, Mendes s’est maintenue par terre pendant longtemps. Jusqu’au moment où l’autre performeuse (la danseuse Anais Poulet), comme un spectre triste, est venue sur le plateau exécuter une partition chorégraphique dans l’ombre, loin de la table des communications.
Ensuite, Mendes s’est levée, puis a retourné les objets à l’envers, à 180°, sur l’autel. Acte qui cherchait à inverser la place de l’Amérique latine : référence directe à l’artiste uruguayen Joaquin Torres Garcia (1874 -1949). En 1941, ce dernier a créé son oeuvre la plus célèbre, l’Amérique inversée.
« J’ai dit École du Sud car en vérité notre Sud est le Nord. Notre Sud ne se détermine pas par opposition au Nord. C’est pourquoi maintenant nous mettons la carte à l’envers, et donc nous avons déjà une idée juste de notre position et non comme le reste du monde veut nous voir. La pointe de l’Amérique, dès lors, tout en se prolongeant, marque instamment le Sud, notre Nord. »
Joaquín Torres García.

Au début, la présence de ce corps-là (celui de Evelise Mendes) par terre a déclenché une réaction d’étrangeté chez le public, un dérangement, avant de finalement être invisible, car les paroles des intervenants ne feront aucune mention de la performance. Symptomatique.
La création très organique et physique d’Evelise Mendes a réussi à trouver sa place parmi les discours, et cela rendait son travail puissant : elle, femme, métisse, et brésilienne, artiste, de 29 ans, née à Porto Alegre (Rio grande do Sul) où elle a travaillé avec les groupes de théâtre Povo da Rua et Pindaibanos pendant quelques années. À l’Université Fédérale du Rio Grande do Sul, à Porto Alegre, elle a poursuivi une Licence et un Master en arts de la scène qui réfléchissait sur le théâtre de rue comme moyen de contestation politique dans le contexte contemporain. Actuellement, elle s’est installée à Marseille où elle prépare un Doctorat sur le thème de l’anthropophagisation de l’espace urbain : caractère transgressif et enjeu du désordre dans les mises en scène de rue, sous la direction des professeurs Yannick Butel (AMU) et Marta Isaacsson (UFRGS). C’est la première co-tutelle de thèse entre les deux universités, et il faut y voir un symbole de rapprochement, et peut-être une manière de rapprocher Sud et Nord.
Réplique peut être aussi compris à travers la question de l’espace où elle a lieu. C’est-à-dire que cette question de l’espace est récurrente dans le travail et la trajectoire de Mendes. Il lui permet de créer un nouveau spectacle, et à chaque fois l’espace agit en tant que discours. La mise en scène, chez Evelise Mendes, est toujours articulée à l’espace et c’est l’espace qui est le liant de toute l’action théâtrale. Par conséquent, l’intervention artistique était imprégnée par la représentation de l’espace du colloque : un lieu de savoir.
Mais Réplique d’Evelise Mendes, dans le rapport organique et physique qu’elle entretient à l’espace, c’était principalement un instant où les temps s’amalgamaient. Temps du passé où la cohorte des morts de la colonisation venait hanter la scène à la marge des paroles des intervenants, temps de l’immobilisme où le passé colonial vient se figer à l’endroit du temps présent… Manière de faire de Réplique une image actuelle où le passé revient dans le présent. Façon de prétendre que l’actualité oublieuse, qui ne cesse de revendiquer son rapport à la mémoire, trouvait une forme esthétique et plastique. En regardant Réplique, il était difficile d’ignorer que le passé colonial est et a été ce qui nourrit le présent. Dans le corps inerte de Mendes, vivante, il y avait ainsi, convoqués, indépassables, présents, les morts d’hier. Ceux que Galeano, dans son Essai terrible et factuel, n’a de cesse de ramener à la vue des lecteurs. Réplique de Mendes était ainsi une sorte de mausolée vivant à la mémoire des victimes d’une extermination, d’une Shoah ignorée. D’un geste chorégraphique et théâtral humble, presque invisible dans son silence, Evelise Mendes, Anaïs Poulet, Isabelle Lorenzi (trois artistes de la scène marseillaise) faisaient exister une histoire qui est un présent.
Pour une pensée décoloniale
Ce travail-là est courageux, C’est encore une fois une manière d’opposer une résistance au mouvement de domination étrangère. À travers l’exploitation économique, mais aussi la domination culturelle, puisque l’imaginaire des dominés est habité par l’idée que la culture étrangère est un modèle universel.
« Aujourd’hui le discours officiel nous dit de croire à la liberté du commerce (même si elle n’existe pas), d’honorer la dette (même si elle est déshonorante), d’attirer les investissements (même s’ils sont indignes), et d’entrer dans le monde (même si c’est par la porte de service). »
Eduardo Galeano.

Les conséquences de la colonisation sont incontestables partout dans le monde. Au Brésil, parce que le pays a reçu des millions d’esclaves africains, l’effet de la colonisation se voit à travers la difficile insertion du peuple noir sur le marché de travail, par exemple. En Europe, les immigrants eux, des anciennes colonies, arrivent à la recherche de la sécurité et de l’emploi. D’évidence, le colonialisme se maintient aujourd’hui, mais son nom est devenu plus imposant : impérialisme ou néocolonialisme. Ce que l’artiste Mendes nous proposait avec Réplique nous renvoyait à notre compréhension de la décolonisation qui passe avant tout par l’affirmation du corps. Un corps politique sur la scène, un corps de femme métisse qui représentait les milliers de corps violés et mutilés de leurs droits.
Sans doute cette création, Réplique, a-t-elle difficilement touché les spectateurs européens. Le dialogue ne se faisant que douloureusement parce que les symboles échappent à ce public. Mais de cela, nous pouvons tirer une conclusion, c’est que l’Histoire n’est pas neutre. L’Histoire est écrite par une race, un genre, une religion, une classe sociale. C’est un récit composé par les dominateurs qui le constituent comme un discours de vérité. Réplique, performance muette, chorégraphique, soulignait en définitive ce qu’on oublie toujours… Écrire l’Histoire relève d’un choix. Mendes a fait le choix d’une autre narration, d’autres symboles… et l’existence de cette performance prouve que c’est possible.


E se fosse o inverso?

Nos últimos anos, com o governo do Partido dos Trabalhadores – PT (2003 – 2016), o Brasil experimentou avanços nas políticas afirmativas, aumentou a escolaridade no País, fez progressos no combate à miséria e proporcionou que negros, indígenas e pobres pudessem entrar na universidade.
No final de agosto passado, a presidenta eleita em 2014 com 55,7 milhões de votos, Dilma Rousseff (PT), sofreu um golpe de estado parlamentar. Os defensores do impeachment são os mesmos que defendem o Projeto de Lei da terceirização, o qual propõe precarização dos direitos trabalhistas.
Muitos acreditam que o golpe foi orquestrado para que fosse possível vender a Petrobras (majoritariamente uma empresa estatal) e liberar o pré-sal para a exploração das grandes potências. Inclusive já há um projeto na Câmara dos Deputados para ser votado, que abre possibilidades de multinacionais explorarem o pré-sal brasileiro, sem a participação da Petrobras.
E outros, ainda, nem sabem mais no que acreditar.
A intervenção artística Réplique da brasileira Evelise Mendes, apresentada no contexto do colóquio La critique, un art de la reencontre (de 2 a 4 de novembro de 2016, em Marselha – França), retoma tais temas da história do Brasil. De certa forma, denuncia o momento atual do País, o qual se rende aos interesses internacionais.
Livremente inspirada no livro As Veias Abertas da América Latina (1971), de Eduardo Galeano (1940-2015), a referida performance trabalha essa questão dos efeitos do colonialismo nos dias atuais. Ela foi apresentada durante as comunicações dos universitários ali presentes, sendo assim uma maneira de aproximar estética e política – além de nos fazer lembrar que o livro segue atual, infelizmente.
Ao entrar na sala do “petit théâtre” do Teatro Nacional la Criée, local onde o colóquio estava acontecendo, o público se deparava com uma mulher inerte (Evelise Mendes), embaixo da mesa onde os universitários expunham suas comunicações. Com o ventre coberto pela toalha que vermelha que cobria o móvel, aos pés dos palestrantes – homens brancos e europeus –, sua cabeça se encontrava tombada para um lado. Em sua mão esquerda, uma língua de boi.
A intervenção era carregada de simbolismo. Ao seu lado estava um altar com imagens de jesuítas, de pensadores clássicos europeus, e de colonizadores da América do Sul – sempre é bom lembrar que Pedro Alvares Cabral não descobriu o Brasil, ele o invadiu, pois povos indígenas habitavam o local. Também havia no altar açúcar (um dos símbolos da exploração brasileira) e velas.
Sendo “amparada” pela performer Isabelle Lorenzi, Mendes se manteve na mesma posição deitada, estática, durante bastante tempo. Ao mesmo tempo, a outra performer (a bailarina Anais Poulet), como um espectro triste, realizava uma partitura coreográfica na penumbra, um tanto distante do local onde se desenrolavam as falas dos participantes.
Depois de algum tempo, Mendes levanta-se e faz um movimento de virar de ponta-cabeça as imagens que ali estavam. Um ato que busca inverter o lugar da América Latina, fazendo referência direta ao artista uruguaio Joaquin Torres Garcia (1874 -1949) que, em 1941, realizou sua obra mais famosa A América invertida.
« Tenho dito Escola do Sul porque, na realidade, nosso norte é o Sul. Não deve haver norte, para nós, senão por oposição ao nosso Sul. Por isso agora colocamos o mapa ao contrário, e então já temos uma justa ideia de nossa posição, e não como querem no resto do mundo. A ponta da América, desde já, prolongando-se, aponta insistentemente para o Sul, nosso norte.”
Joaquín Torres García.

A presença daquele corpo no chão provocava na plateia uma reação de estranhamento, que logo dava lugar ao incômodo e, por fim, à invisibilidade. As falas dos palestrantes seguiam sem fazer qualquer menção à intervenção. Sintomático.
A criação bastante orgânica e física de Evelise Mendes conseguiu encontrar seu lugar em meio aos discursos, o que tornou mais potente seu trabalho: ela é mulher, mestiça e brasileira. A artista, de 29 anos, é natural de Porto Alegre (RS), cidade onde ela trabalhou por alguns anos nos grupos teatrais Povo da Rua e Pindaibanos, e desenvolveu a graduação e mestrado em artes cênicas na UFRGS buscando pensar o teatro de rua como uma ferramenta de contestação política no contexto da contemporaneidade. Atualmente, em Marselha, ela desenvolve sua pesquisa de doutorado a respeito do tema Anthropophagisation de l’espace urbain : caractère transgressif et enjeu du désordre dans les mises en scène de rue, sob a orientação dos professores Yannick Butel (AMU) e Marta Isaacsson (UFRGS). Como primeira cotutela de tese em Artes Cênicas entre as duas universidades, é preciso ver tal ato artístico como um símbolo de aproximação entre ambas as partes – talvez também uma aproximação entre o Sul e o Norte.
Réplique também pode ser avaliada pela ótica espacial em que aconteceu. O espaço, tema recorrente nos trabalhos da atriz Mendes, permite que ela crie um novo espetáculo a cada apresentação. E, a cada apresentação, o espaço atua como discurso do espetáculo, permitindo que a carga semântica do local esteja entre as lacunas da encenação. Portanto, boa parte da intervenção está contaminada pelo que o espaço representa: no caso do colóquio, um espaço de saber.
Devido a sua ligação orgânica e física com o espaço, Réplique foi sobretudo um instante através do qual os tempos se fundiram: alusão ao tempo passado, onde uma procissão de mortos da colonização subiu ao palco para vagar à margem das comunicações teóricas; alusão a um tempo paralisado, no qual o passado colonial veio se condensar ao tempo presente… De forma estética e plástica, como uma imagem em fluxo temporal, Réplique reivindica uma memória que a mídia insiste em esquecer. Ao ver sua intervenção artística, tornou-se difícil de ignorar o passado colonial – e de como ele ainda alimenta o presente. No corpo estático e vivo de Mendes, os mortos de ontem (narrados por Galeano de maneira contundente no seu Veias Abertas) estavam convocados, presentes, indomináveis, como uma espécie de mausoléu vivo em memória às vítimas de um genocídio, de um holocausto ignorado. Com um gesto coreográfico e teatral reservado, quase invisível no seu silêncio, Evelise Mendes, Anais Poulet e Isabelle Lorenzi (três artistas da cena marselhesa) fizeram existir uma história que ainda está presente.
Por um pensamento descolonial

O trabalho é corajoso, na medida em que busca fazer resistência frente ao movimento de dominação estrangeira que se dá não apenas pela exploração econômica, mas pela dominação cultural, que incide pelo povoamento do imaginário dos dominados, que passam a acreditar que a cultura estrangeira é um modelo universal.
“Segundo a voz de quem manda, os países do sul do mundo devem acreditar na liberdade de comércio (embora não exista), em honrar a dívida (embora seja desonrosa), em atrair investimentos (embora sejam indignos) e em entrar no mundo (embora pela porta de serviço).”
Eduardo Galeano.

No mundo são inegáveis os rastros dessa colonização. No Brasil, que recebeu milhões de africanos escravizados, o reflexo pode ser visto, por exemplo, na difícil inserção do negro no mercado de trabalho. Na Europa, chegam imigrantes de países que foram suas colônias e que fogem em busca de segurança e emprego. O colonialismo segue, mudou apenas de nome, ganhou um mais pomposo: imperialismo ou neocolonialismo. O que a atriz propõe vai ao encontro da descolonização que passa primeiramente pela afirmação do corpo. Um corpo político que está em cena, de mulher mestiça, e que representa os milhares de corpos que foram violentados e mutilados nos seus direitos.
Sem dúvida, trabalhos como Réplique pouco dialogam com espectadores europeus, já que maioria não identifica o que está por trás dos símbolos, nos fazendo lembrar que a história não é neutra: ela tem raça, gênero, religião e classe social. Ela é contada pelos dominadores e de forma perversa é reproduzida como verdade indiscutível pelos dominados. Mas Réplique, performance sem fala, coreográfica, está ali para salientar o que não podemos esquecer… Escrever História depende de escolhas. Mendes escolheu outro tipo de narração, outros símbolos, mostrando assim que outras narrativas são possíveis.