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« Forum des écritures dramatiques européennes »… Première à Avignon – L'!NSENSÉ
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« Forum des écritures dramatiques européennes »… Première à Avignon

Par Yannick Butel. Du 7 au 8 Juillet, au Gymnase du Lycée Saint-Joseph, à l’initiative de l’université Paris Nanterre, du Théâtre National de Strasbourg, de l’ESACT de Liège, du RITCS de Bruxelles et maintenant le festival d’Avignon auquel il a été proposé de s’associer, s’est tenu le « Forum des nouvelles écritures dramatiques européennes » consacré à Zinnie Harris, Jaona Craveiro, Pier Lorenzo Pisano, Beniamin M Bukowski, Tomislav Zajec, Carly Wijs, Michael Bijnens, Tyrfingur Tyrfingsson, Lola Blaasco et Bonn Park… Un temps de rencontres, de lectures faites par les élèves du Groupe 44 du TNS, ceux de Nanterre, de l’ESACT et du RITCS, d’échanges avec les auteurs et les traducteurs. À suivre sur forumdesnouvellesecrituresdramatiques.fr

 

 
Le 7 juillet

Temps où, à l’ouverture de ce forum, Stanislas Norday, Chritiant Biet et Olivier Py ont pu présenter l’intérêt qu’il y avait à ce que la culture et l’art prennent le relai d’une Europe politique en panne d’imaginaire et d’imagination (cf. ses balbutiements devant une crise humanitaire que l’on s’entête à appeler « crise des migrants ») , voire KO quant à la construction d’une Europe dès lors qu’elle n’est pas simplement l’enjeu d’ajustements financiers, budgétaires et de règlements aussi idiots que l’étiquetage, à la vente des poissons, de leurs noms latins. Sur la Cannebière de Marseille, on se souviendra longtemps des procès-verbaux qui ont été généreusement distribués pour cette « faute » et cette entorse à la réglementation européenne.

Mais revenons à l’épisode du 7, au matin, où vers 11H15, quittant la salle, Olivier Py lancera au public « pourvu que les belges gagnent ! ». Sortie pour le moins curieuse et finalement idiote du directeur du festival d’Avignon qui, cinq minutes avant, parlait d’un esprit européen. Sortie maladroite qui renvoie, alors qu’il tente une private joke, à l’esprit des états nations, où il devient (on a du mal à le croire) un supporter. C’est-à-dire, un attaché aux identités nationales et tout ce que cela induit. « Pourvu que les belges gagnent ! » aurait pu être la phrase du jour… dans un autre contexte, au zinc d’un bar des sports où, il est vrai, l’esprit y est parfois plus mordant. Tenez, à titre d’exemple sarcastique, « Griezmann, on le voit plus dans les pubs que sur le terrain ».
Bref, « Pourvu que les belges gagnent » ne rentrera pas dans les annales des brèves de comptoir. Et son auteur, n’en doutons pas, aura peut-être émis là, seulement une inquiétude qui portait sur la concurrence que le foot, populaire par essence, fait au théâtre populaire (à 30 euros la place, « on ne joue pas toujours à guichet fermé dans les salles du In). Inquiétude de circonstances tant le tragique, le drame, l’émotion, le public assemblée et en communion des stades pourraient faire des envieux du côté de la scène dramatique. Car, et n’en doutons pas, le mondial de foot Russe redistribue la donne au plan des spectateurs qui préféreront parfois le petit écran et son temps réel, aux vidéos qui envahissent parfois inutilement les espaces de fiction. N’en doutons pas, et l’on peut s’en désoler ou s’en servir pour s’interroger, mais le Foot et le Théâtre, qui partagent en partie le public, posent la question de la répartition des publics et, c’est l’enjeu induit, les raisons qui font qu’’ils iront ici ou là, sur un canapé ou dans un fauteuil.
Sur le plateau où prennent place les élèves-lecteurs, seront donc lus quelques fragments des textes des auteurs. Mise en voix, plus que mise en scène d’une trentaine de minutes où, soudainement, dans le rythme, dans l’accentuation, dans le phrasé, dans l’intonation… passent les quelques années de formation. Debout, au pupitre et devant les feuilles des textes qu’ils ont à « faire entendre », ces jeunes acteurs et actrices se livrent ainsi à un exercice difficile puisque dépouillé du corps, du geste, de tous les ornements du théâtre, ils sont le seul canal qui permet de rencontrer les textes des auteurs. Dans la foulée, ils prendront aussi la parole sur cette expérience, sur leur rapport à ces textes dramatiques, à la manière de le « donner » à haute voix. Lire, on le sait, c’est interpréter déjà. Et Christian Biet, en oreille attentive, les relancera sur ces différents aspects. N’oubliant personne, les mettant en relation avec l’auteur qui est à leur côté et le traducteur/traductrice qui les accompagnent dans cet échange.

Ce 7 juillet, c’est donc ainsi que s’est installé un échange avec Zinnie Harris, autour de son texte Comment retenir sa respiration.
 

Souvenirs souvenirs…

C’était en mai 2003, au Panta théâtre qui inventait un petit festival caennais, sur les écritures contemporaines qu’il défendait depuis toujours. Ça s’appelait « écrire et mettre en scène », et c’était conçu en partenariat avec la Maison Antoine Vitez. C’était peut-être la première édition, je ne me souviens plus, mais c’est là que j’ai entendu parler, pour la première fois de Zinnie Harris. À l’époque, Guy Delamotte et Véro Dahuron avaient adapté à la scène le texte Plus loin que loin, traduit Blandine Pélissier et Dominique Hollier, de cette auteure de langue anglaise. Critique, j’ai retrouvé à maintes reprises l’article que j’avais alors écrit cité par les différents dossiers de presse et autres compagnies qui ont programmé ce texte. Extrait (je me cite) : « Tristan da Cuhna une île perdue au milieu de l’Atlantique, à mi-chemin entre le Cap et la pointe d’Amérique du Sud. Désolée, battue par les vents, elle abrite une poignée d’hommes dont le seul contact avec l’extérieur est le bateau qui accoste tous les six mois pour les ravitailler.
Lorsque les îliens se trouvent, malgré eux, confrontés au monde du D’hors, ce sont tous leurs repères qui volent en éclats. L’éruption volcanique qui les oblige à quitter l’île provoquera une catharsis propice à un nouveau départ.
Ce texte est proche de l’ellipse, travaillé comme des volutes de verre qui manifestent fragilité et puissance. L’écriture oscille entre la répétition et un patois impossible à identifier, entre une langue naïve, simple. Une langue qui, s’étant soustraite au mode artificiel de la parole, dit l’essentiel dans une syntaxe ramassée, borgne et clairvoyante, rugueuse et innocente. Alors quand s’ouvre Plus loin que loin, sur le tempo d’un orgue funèbre, apparaissent des silhouettes sales et mal habillées qui se tiennent sur des bancs. Figures libres d’insulaires greffées au roc d’une île comme Prométhée enchaîné, leur espace est d’abord celui d’une rencontre, d’un retour, puis d’un départ. Tout est ici hostile. À commencer par les croyances dans les œufs de pingouin qui portent malheur. Tout est mystère comme la forme du lac vue par Bill. À quoi s’ajoutera l’arrivée de Hansen, l’industriel venu implanté une usine que l’île finira par rejeter. Et autour de cette histoire dont on voit à peine le dessein définitif, la maladresse des rapports humains est une ode à l’humanité des simples. Et dans ce trou du cul du monde, des âmes bourrues rappellent ce que veut dire « se parler ». »
À l’université, au TNS comme Stan le rappellera, les auteurs dramatiques contemporains européens sont régulièrement l’objet d’études. Entendons-là, l’objet d’un intérêt, d’une recherche, de travaux d’écriture et de pratiques. Et ce parce que peut-être que seuls ces lieux d’études peuvent encore se permettre de prendre le temps de la découverte, de l’inconnu, d’un patrimoine dramatique plus étendu que les seuls classiques qui attirent trop souvent le public parce qu’on leur sert. Monter Sénéque, Sophocle… nos « contemporains » ne suffit pas/plus à construire demain. L’Europe d’aujourd’hui et de demain…