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Kreatur… patatra en pature. – L'!NSENSÉ
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Kreatur… patatra en pature.

Par Yannick Butel. Kreatur, chorégraphie de Sasha Waltz.
Opéra Confluence. Festival d’Avignon In 2018


À deux pas de la gare TGV d’Avignon, à l’Opéra confluence, la chorégraphe Sasha Waltz propose aux festivaliers d’Avignon Kreatur. Une pièce chorégraphique crée le 9 juin 2017 au Radialsystem V, Berlin. 1H35 d’ennui profond, de désarroi total à la vue de ce qui ne se développe que sous la forme d’une inertie qui confine à l’entropie. Une déception majeure… inoubliable.

On avait tout aimé jusqu’à maintenant. Tout, parce que Sasha Waltz s’inscrivait dans une lignée de chorégraphe où la radicalité était le trait de son geste d’artiste. Avec elle, le corps, les corps trouvaient une profondeur mêlant intimité et violence. On avait tout aimé parce qu’il y avait un souci pictural dans le mouvement et l’assemblage de corps, la plupart du temps nus et magnifiés par la lumière et les décors qu’on eut dit sortis de l’imaginaire de l’architecte Tadao Ando. La grâce voisinait avec une modernité froide, presque spectrale. Oui, on avait tout aimé, des saillis qui, en toute liberté, suspendaient le geste.
On aurait aimé que les premières images de Kreatur nous permettent de croire à un amour inconditionnel pour les créations, toutes les créations, de Sasha Waltz. On aurait aimé croire que les formes qui apparaissaient dans la pénombre annoncent quelque chose d’une intensité reconduite. Aux premiers instants, on a pu se dire que Waltz, une fois encore, travaillerait sur le passage d’un état à un autre. Cette manière que le geste chorégraphique, relayé par les interprètes, aurait de nous mettre à l’endroit d’une mutation. Dans leur chrysalide (ce vêtement de dentelles ajouré et gonflé qui les contient), on croyait deviner quelque chose d’une éclosion. Ces « larves » là allaient forcément livrer leurs formes inattendues. C’était évident, là, à cet instant-là, Kreatur était le nom, forcément d’un passage. L’idée était belle et attractive. ça serait une étude, sur le passage d’un milieu à un autre. Et le défi était donc majeur : comment parler, par la danse, du passage d’un milieu à un autre ? Du mouvement qui muterait à cet instant-là, dans ce passage-là ?

C’était évident, oui, et le rythme de la musique syncopée et abstraite, légèrement insistante était là, elle aussi, pour soutenir cela..
Au rythme d’une musique électro-acoustique, ou plus simplement dans le prolongement d’une certaine forme sonore appelée Musique concrète (faite de l’océan des sons comme le disait Schaeffer qui l’inventa), Waltz livrerait une étude sur le mouvement et son lien à ces sons omniprésents et sous-estimés.
C’est cela, on l’imaginait, à l’endroit de Kreatur, il y aurait une question d’importance, presque philosophique, qui nous demanderait de réfléchir, tout en regardant, à l’articulation d’un geste chorégraphique et de sons mineurs mais quotidiens. De ces sons qui règlent, sans même qu’on le perçoit, notre pas…
Et, on le fantasmait encore, on croyait distinguer dans ces formes molaires (dirait Deleuze), le début d’une réponse où, entre la meute et l’uniformisation, les interprètes de Waltz donnerait à voir quelque chose d’un mouvement sensible.

Mais c’est le deuil qui s’installa, à mesure que les séquences vides montraient que ce travail peinait à franchir le seuil du laborieux. Le Deuil du rythme, de la dramaturgie, du souci de la finalité… que Kreatur aura développé, répété infiniment à chaque minute, pour chaque moment. Et avec le Deuil, la tristesse, une profonde tristesse qui se développa, augmentée celle-là des voix immatures, non-maitrisées qui crient « Révolution », « Contre les frontières géographiques », etc. Moment de tristesse lourde quand on comprend que les mots qu’utilisent Waltz et qu’elle fait dire à ses interprètes ne seront pas plus que des mots morts, dits maladroitement, sans direction… Mots qui se perdent sans heurter personne.
Reste le bourdonnement d’une mouche diffusé plein pot dans l’oreille… Celui sans doute de la carnassière qui s’occupe du cadavre de Kreatur qui, on le comprend, était déjà froid quand il est arrivé sur le plateau.
On aurait tant aimé écrire autre chose…