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Derviche tourneur – L'!NSENSÉ
Bienvenue sur la nouvelle scène de l'!NSENSÉ
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Derviche tourneur

Jérémie Majorel – 16 juillet 2018

Délire parfait est programmé à la Manufacture au côté de Jogging de la libanaise Hanane Hajj Ali dans le cadre de l’Arab Arts Focus : à côté du in d’un Festival voué au « trans- », ici nous sommes conviés à la transe.

Après l’architecture, la boxe et le théâtre, Taoufiq Izeddiou s’est tourné vers la danse. Il signe sa première chorégraphie à Marrakech, où il est né, en 2000, et fonde Anania, première compagnie de danse contemporaine au Maroc, en 2002, et le festival international de danse contemporaine On Marche trois ans plus tard.

Pendant une petite heure, Délire parfait ouvre un moment de dilatation du temps, opéré par le duo d’un corps et d’un guitariste : le passage d’un temps linéaire à un temps cyclique, qui épouse la forme d’une ritournelle sonore de Mathieu Gaborit et d’une ritournelle chorégraphiée de Taoufiq Izzediou, tracée par ses pas sur du sable versé, le même que l’on trouve enclos dans un sablier d’où s’évide le temps, mais libéré de son contenant au profit d’une spirale dessinée sur le plateau nu, puis striée par Taoufiq Izzediou, marcheur nomade en quête d’une spiritualité.
Cette spiritualité se trouve en-deçà du religieux, le religieux n’étant que la domestication de la spiritualité, comme le sablier est la domestication du temps : le nom de Dieu écrit dans toutes les langues tombe comme de la pluie, glisse et s’évapore comme de la pluie. La marche de Taoufiq Izzediou ne se formalise pas dans un rituel auquel le public serait amené faussement à participer. On se trouve plutôt à l’endroit d’une recherche, d’un tâtonnement, qui passe par des états de retombées et d’exaltation, une spirale dont le centre est un point de fuite.
Le chorégraphe cherche cette spiritualité par le corps, non par sa négation. Il s’adonne à des exercices corporels un peu comme dans la mystique on parlerait d’exercices spirituels : haleter, marcher en rond, secouer son visage jusqu’à ce que le visage semble se décoller, impression vertigineuse, exaltante sortie hors de soi, de son identité, de son faciès, atteinte d’une dimension impersonnelle, déjà sensible dans le nom choisi du festival « on marche », et d’un fragile équilibre entre rigueur et perte de contrôle, déjà sensible cette fois dans le titre paradoxal du spectacle.
Un mot sur le corps de Taoufiq Izzediou, revêtu de survêtements noirs, d’une veste de jogging à capuche : rien à voir avec le corps aminci, musculeux, athlétique, gainé, dénudé, etc. majoritaire sur les scènes de danse contemporaine, corps qui finalement refoulent le corps. C’est un corps qui au contraire atteint la grâce par la pesanteur, capable de virevolter soudainement, ou de danser avec une seule de ses parties, voire avec cette limite entre corporel et incorporel qui est la respiration.