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I’m woman… why not ! – L'!NSENSÉ
Bienvenue sur la nouvelle scène de l'!NSENSÉ
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I’m woman… why not !

I’m woman, avec Ana Daud

Archipel Théâtre, festival d’Avignon.

 

Avec I’m Woman, présenté à l’Archipel théâtre, Ana Daud, crinière blonde et « roulée comme un mannequin », plus performeuse que comédienne, en collaboration avec Dmitry Akrish, se livre. « Se livre », au sens propre et figuré, là où le théâtre documentaire est sans habillage, là où les limites entre l’autofiction et l’autobiographie sont dépassées. Trash, sincère, peut-être parfois maladroit (un brin de pathos en trop), mais produisant une sorte de chaos esthético-poétique qui met certains/certaines spectateurs dans les cordes.

La corde, c’est le premier élément scénique visible. Corde de pendu qu’Ana Daud regarde avec les yeux de l’envie d’en finir. C’est la première image et c’est la clé de Sol de cette partition qui va conduire le public à découvrir les affres d’une vie. Une putain de vie, hard, cruelle, faite d’espoirs et de désirs démolis et enterrés. Ce qu’Ana Daud présente au plateau n’est rien moins que ce qu’elle a enduré. Phrase qui ponctue la fin de cette performance crue, donnée avec les tripes, présenté sans enrobage, à la manière d’un poème de Baudelaire qui, dans Le Chien et le flacon, rappelle que le lecteur préfère les papiers cadeaux qui enrobe le contenu.

Chez Daud, la vie qui ne lui a pas fait de cadeau, sera restituée sans fard. Genre vie vomie qui soulève le cœur.

De la mort du père alcoolo, à la mère dépressive shootée à la chimie ; du job de mannequin promis à l’escort girl qui apprend à survivre à la baise glauque ; de l’enfant avorté attrapé par hasard à celui que l’on mettra au monde avec désir… Daud raconte l’épopée des filles anonymes. Tableaux dévastés que ces vies-là qui sont légions et qu’elles restituent.

C’est violent à entendre comme lorsqu’une voix off raconte un IVG par le menu. C’est cru à regarder quand l’accouchement projeté met en avant un nouveau-né qui arrive en sang par le col où l’on est tous passé. Dur encore quand Daud procède à l’examen de ce qu’est une femme aux yeux des hommes. Ou de ce qu’est un homme aux yeux d’une femme. Et c’est naïvement poétique quand est projeté une enquête de trottoir où les hommes répondent à la question « c’est quoi une femme pour vous ».

Depuis longtemps, le théâtre documentaire ne se réalise qu’en respectant la règle d’un dispositif où s’amalgament réalité et fiction, images « vraies » et images esthétisées. Dans I’m woman, les spectateurs ont été répartis en deux groupes. Celui des femmes à droite, et celui des hommes à gauche. Daud, elle, s’adressera à ces deux groupes en fonction de ce qui est à dire ou à dévoiler. Invitera une femme du public au plateau pour en faire sa fille. Offrira aux hommes un quartier d’orange. Et s’il est un geste identifiable dans ce travail rugueux, c’est celui de l’adresse. Car c’est une parole adressée, ce sont des images adressées qui composent I’m woman qu’il faut traduire : « Je suis femme ». Titre qui n’en fait pas un objet, mais une condition. À l’exception de petits écarts pathétiques, Daud ne joue pas. Elle est ce qu’elle est, brute, tendre, douce et amère, pleine d’une fureur et d’un amour qu’elle aimerait trouver enfin. Sur le plateau, féline, elle tourne comme en cage. C’est politiquement incorrect et ça fait du bien. C’est parfois caricatural, mais ça fait du bien. Et de la regarder pour ce qu’elle est : un électron libre. La porte-parole d’un texte bio dérangeant qui me rappelle la fin du Hedda Gabler d’Ibsen « ça ne se fait pas ». Et pourtant, une vie c’est aussi ça, ou quand le destin frappe fort, dur.