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Et si je les tuais tous Madame ? – L'!NSENSÉ
Bienvenue sur la nouvelle scène de l'!NSENSÉ
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Et si je les tuais tous Madame ?

23 juillet 2013, 15h00, Chapelle des Pénitents Blancs : première représentation de Et si je les tuais tous Madame ?, pièce de théâtre musical écrite et mise en scène par Aristide Tarnagda. Artiste burkinais, invité en résidence à l’école du Théâtre National de Bretagne par Stanislas Nordey en 2007, Aristide Tarnagda fait fonction de trait d’union entre les deux artistes associés à cette 67e édition du Festival d’Avignon.
Un homme à un feu rouge, un comédien au bord du plateau, un seul prénom : Lamine. Le personnage prend en otage une femme anonyme au volant de sa voiture pour lui raconter son histoire ; le comédien, lui, raconte à l’oreille du spectateur cette histoire qui pourrait être la sienne, ou celle de n’importe qui au Burkina Faso, voire au-delà. Une minute de temps dramatique, la durée de vie moyenne d’un feu rouge, correspond à une heure de représentation. Le feu de signalisation imaginaire matérialise la frontière ténue entre la scène et la salle, sa longévité réduite est métaphore du caractère l’éphémère de l’illusion théâtrale. Le feu structure, encode et contractualise la situation d’énonciation : il contraint les gens à s’arrêter, à faire une pause dans leur course effrénée ; il les met en situation d’écoute et de partage. Lamine ouvre une parenthèse pour confronter les fantômes qui hantent sa vie, invitant du même coup les spectateurs dans la salle à confronter les leurs. Lamine a quelque chose de Richard III, visité par les spectres sur le champ de bataille, ou bien d’Hamlet, comme lui habité par le fantôme de son père, dont la célèbre réplique est d’ailleurs convoquée : « Etre ou ne pas être… » Le lieu convient bien à ce théâtre de l’intime, à ce long monologue polyphonique que les trois musiciens dynamisent. A travers cette femme anonyme, Lamine s’adresse à sa mère, puis à travers elle, au père absent, qu’il finit par incarner à son tour, et enfin à son ami Robert. Les accents tragiques du texte, qui souligne que ce qui doit être – une cellule familiale équilibrée dans une société en bonne santé – ne peut pas être, résonnent avec une force particulière à travers les voix et les instruments des trois interprètes qui accompagnent Lamine Diarra. L’on regrettera peut-être que l’histoire de Lamine reste la plupart du temps anecdotique et que l’arrière-plan de l’Histoire soit évoqué de manière dichotomique et lapidaire, contrastant le discours politique qui brandit les mots clés « émergence », « développement » et « croissance positive », et la réalité de terrain fondée sur le manque d’eau et l’absence de médicaments pour soigner le palud. La musique, alors, se fait répétitive et le spectacle s’enraye. Toutefois, le quatuor suggère lui-même un dépassement de la dialectique à travers la figure de l’artiste : même si « les artistes sont dans la boue », ils sont « censés transformer les choses ». C’est donc un credo à la gloire de l’artiste qui s’élève dans la chapelle des Pénitents blancs, dicté par l’urgence. La vitalité de ce quatuor physiquement engagé dans le texte l’emporte sur le tragique, une bouteille de bière vole en éclats contre le mur lointain, tel un cri de rage, laissant le spectacle en suspens : « Je me demandais, madame : ‘Et si…?’ « . Le feu passe au vert. Fin du monologue de Lamine avec la dame au volant. S’ouvre un espace de dialogue avec le public.