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SUN : Les enfants du paradis – L'!NSENSÉ
Bienvenue sur la nouvelle scène de l'!NSENSÉ
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SUN : Les enfants du paradis

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Annoncé comme l’un des thèmes de cette 65ème édition du Festival d’Avignon, « l’enfant », à moins qu’il ne s’agisse de « l’enfance » (mais ça n’appelle pas les mêmes réflexions) aura été au cœur de SUN, présenté dans la salle Benoît XII par Cyril Teste. D’une durée d’une heure et une quinzaine de minutes, SUN offre un spectacle visuel et sonore où la construction des images est la principale attraction… le principal décor.
Esquisse d’un projet
Né en septembre 2000, le collectif MxM apparaît comme le lieu d’un chantier qui croise les champs disciplinaires et les pratiques. L’interdisciplinarité est ainsi, pour Cyril Teste, un espace à part entière de recherches et d’expérimentations jusque dans les modalités de travail puisque la « communauté » MxM permet à chacun de ses membres d’agir sur le projet. Nomade dans cette approche de leur pratique, MxM interroge, questionne, réfléchit ainsi tant sur l’acte de création que sur la pédagogie, et privilégie les dispositifs plutôt que le cadre des séminaires. En septembre dernier, en résidence au CENTQUATRE, il était alors à l’œuvre sur la notion d’expérience ou « comment situer la violence comme expérience ? ». Rompu à l’emploi des nouvelles technologies, MxM aborde dès lors la création en croisant les matériaux (textes, acteurs, auteurs, film…) avec les outils qu’offre la technique.
La nouvelle création de Cyril Teste, SUN, n’échappe pas à ces lois et ses modalités de travail.
Ici et là dans la presse festivalière et notamment sur le site d’MxM, on peut lire le projet de SUN qui se décline comme suit : « Si l’on rencontre l’enfant qu’on a été, que se passe-il ? Est-on à la hauteur de ses rêves, de ses espoirs, de ses désirs ? Comment croiser son regard ? Comment vivre cet instant d’éternité (sic). A l’origine de ces questions, un fait divers. Et l’émotion qu’il provoque. Hanovre, 1er janvier 2009. Un garçon et une fille de 6 et 7 ans, réunis par le hasard d’une famille recomposée, s’aiment. Ils veulent se marier au plus proche du soleil. A l’aube, alors que leurs parents dorment encore ils partent pour l’Afrique (…) (et de construire) un voyage amoureux qui interroge l’un de nos territoires intimes les plus secrets : l’enfance. Temps des peurs, temps des possibles, temps où imaginaire et réel se mêlent, où l’animal humain exprime pleinement son mystère et sa grâce. Cette même grâce dont adulte, nous cherchons tous à retrouver l’essence. Il faut exercer sa mémoire. Il faut trouver cette capacité à dépasser ses peurs pour laisser, pour aimer, pour créer. Il faut trouver le chemin qui mène à la rencontre de l’enfant (…) Le collectif MxM organise l’espace du rendez-vous, de ce voyage introspectif de l’adlute vers l’enfant qu’il a été, de l’enfant vers l’adulte qu’il deviendra. Des sons, des images, des volumes et des mots pour construire un poème théâtral. Un poème qui s’écrit avec toutes les technologies, des plus archaïques aux plus contemporaines, pour tenter d’ouvrir l’espace-temps du plateau du théâtre vers un univers singulier où chacun se retrouve.
« L’enfant est le plus mystérieux, le plus passionnant, le plus troublant des phénomènes naturels. Une sorte d’animal privilégié que nous devinons habités des dieux » (écrivait André Bazin) »
Dessein de mise en scène
Dans un espace ralenti, une voix off délivre quelques avertissements poétiques où l’évocation des fleurs, des dieux… forme une constellation poétique naïve, soutenue par un espace sonore constant. « Quand j’étais enfant », « un dieu m’a sauvé »…. « Je comprenais le silence ». « J’étais l’élève des sons harmonieux »… Reprises en boucle ou dispersées au long de ce poème visuel, ces paroles qu’on dirait extraites d’une mémoire, font écho au dialogue de deux jeunes enfants (fille et garçon) qui se questionnent à demi mots : entre pudeur, innocence et désir. Au détour d’un dessin que forme par magie un recours à la technologie, deux silhouettes enfantines prennent forme et se tiennent par la main, quand leur double de chair osseux, en front de scène, se tient dans la distance d’un aveu amoureux. Plus loin, un dédale de lumière comme un escalier figure un passage. Métaphore d’une mutation et d’un temps révolu, sans doute doit-on y voir une topographie initiatique. Et Cyril Teste de multiplier les vues et les images qui, au fur et à mesure de SUN, racontent les pensées intérieures et les relations adultes de deux enfants pris dans un voyage de lumière, d’ombres, de ténèbres, de joies et parfois de peurs. Une nuit étoilée vient couver des états d’âme naissant. Une image un peu plus floue qu’un pochoir s’imprime sur une surface blanche spectrale. Une boite géante posée comme un vase de Pandore attend de révéler l’âge adulte de la conscience.
Au vrai, Cyril Texte aura travaillé à faire sentir une disparition, voire une mutation en recourant à une lumière qui joue entre exposition et surexposition afin qu’apparaît le lot de toutes vies. Soit une histoire où l’expérience et l’aventure sont aussi le signe d’un vieillissement ou d’une désillusion. A l’image des boîtes (une petite, une moyenne, une immense) qui sont comme des secrétaires à tiroirs et à secrets, Teste aura inversé les échelles des mondes que peuplent les enfants, à cheval toujours entre celui des adultes et celui qu’ils fabriquent. Entre une réalité et un imaginaire, entre un concret (faire un nœud de cravate) et un univers plus abstrait où tout est possible.
SUN se regarde ainsi comme une petite déambulation, une rêverie d’enfants, un va et vient entre deux âges où l’enfance est le territoire d’espoirs que l’adulte aura perdu, aura gagné.
En soi, l’idée est généreuse même si elle rend l’enfant étranger à une complexité qui ne paraît plus ici. Car d’une certaine manière, les « enfants de Teste » sont au paradis, au creux d’un triptyque (trois formes rectangulaires soulignées par un trait fluo blanc) comme enserrés dans les pages d’un livre où la vie semble s’être définitivement absentée, préférée à un monde intérieur. Tout comme le recours à la technologie procède ici davantage d’une manière de « gonfler l’artifice » plus que de rendre la complexité d’univers mentaux que le projet annonçait comme lieu de questionnement. Du coup, et pour autant que la féerie et le merveilleux n’est pas étranger à ce conte contemporain, SUN surprend parfois par son innocence, sa bienveillance, sa gentillesse… Et la lumière éclatante et rayonnante, ici, est pour tout dire moins une couleur de vérité révélée qu’un aveuglement comme la traduisait Canetti.
SUN est ainsi le récit des beaux sentiments, des belles histoires… Un premier jet qui mériterait que l’on espère quelque violence qui vienne contrarier cette iconographie bien douce. Sauf à vouloir faire de l’enfant et de l’enfance l’espace idéal des utopies perdues, des nostalgies convenues, etc… Ce qui n’est jamais ça.
Du 8 au 13 juillet, à 15H00, Salle Benoît XII (relâche le 10)