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Cuando vuelva a casa voy a ser un peu plus bête – L'!NSENSÉ
Bienvenue sur la nouvelle scène de l'!NSENSÉ
illustration article

Cuando vuelva a casa voy a ser un peu plus bête

 


Cuando vuelva a casa voy a ser otro->http://insense-scenes.net/spip.php?mot83]

(Quand je rentrerai à la maison je serai un autre),

texte et mise en scène Mariano Pensotti

Avignon 2015, La FabricA


 
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(Critique écrite par Julie Briand dans le cadre des ateliers d’écriture ouverts au public – partenariat Insensé / BNF – Maison Jean-Vilar)


Dans le cadre du 69ème Festival d’Avignon, le metteur en scène argentin Mariano Pensotti a présenté sa dernière création, Cuando vuelva a casa voy a ser otro, à la FabricA. Ce spectacle s’inscrit dans le « Focus argentin» du Festival, avec Dinamo de Claudio Tolcachir au Gymnase du lycée Mistral et El Syndrome de Sergio Boris au Gymnase du lycée Saint Joseph. Malheureusement Cuando vuelva… ne témoigne pas de la vitalité et de l’inventivité, pourtant bien réelles, du théâtre argentin. Sur le modèle du musée archéologique, Mariano Pensotti part à la recherche de l’histoire familiale de ses personnages : une quête identitaire dont la pseudo complexité formelle ne parvient pas à dissimuler la vacuité.


Retour vers le passé
Depuis 2005, Mariano Pensotti et sa compagnie, le Grupo Marea, explorent au théâtre l’entremêlement de l’Histoire et de l’intime, du réel et de la fiction, du passé et du présent. Ces thèmes sont symptomatiques d’un passé argentin qui ne passe pas (dictature militaire de 1976 à 1983). Dans la lignée des dernières créations de la compagnie (Cineastas, A veces creo que te veo, El Pasado es un animal grotesco, Enciclopedia de vidas no vividas…), Cuando vuelva a casa voy a ser otro est le récit de destins croisés, où les existences sont toujours modelées par le politique.
Cuando vuelva… conte l’histoire d’Alfredo, ancien révolutionnaire qui retrouve quarante ans plus tard les objets compromettants qu’il avait enterrés au fond d’un jardin. Et aussi l’histoire de Manuel, son fils, ancien metteur en scène célébré qui gagne désormais sa vie en organisant des campagnes électorales. Et aussi l’histoire de Natalia, chanteuse méconnue dont le père a été assassiné par la junte militaire. Et aussi l’histoire de Damián, homme politique qui plagie l’ancienne mise en scène à succès de Manuel pour tenter de reconquérir sa femme…
Tout ce petit monde est bien évidemment paumé, entre crise existentielle, crise d’ego et crise de couple. Que faire alors ? Partir à la recherche de ses racines, pardi ! Nous voilà donc embarqués dans une grande remontée dans le temps où chacun tentera de désembrouiller son passé pour mieux se réconcilier avec lui.
(Ba)lourde scénographie, maigre spectacle
Au sein du Grupo Marea, Mariano Pensotti est entouré de trois fidèles collaborateurs : la scénographe Mariana Tirantte, le musicien Diego Vainer et l’éclairagiste Alejandro Le Roux. Et de fait, dans Cuando vuelva… (comme dans leur précédente création Cineastas), le contenu du spectacle repose en grande partie sur le dispositif scénique. Il s’agit d’une boîte rectangulaire dont le sol est recouvert de deux tapis roulants avançant en sens inverse. Une manière fort subtile de matérialiser les trajectoires qui se croisent et le retour des personnages dans leur passé.
Au-dessus de cette boîte, deux grands panneaux : l’un hébergeant les surtitres, l’autre synthétisant en quelques phrases les grandes étapes du récit. On se serait largement contenté du premier. Le second, sorte de repère narratif, fait se succéder des phrases d’une pauvreté déconcertante, qui au mieux répètent ce qui vient d’être dit sur scène, au pire délivrent des vérités existentielles dignes d’un soap opera.
Tout cela est ponctué de scènes de carnaval hystériques et de morceaux de rock simplissimes. Beaucoup de bruit et de machinerie pour pas grand-chose. Pour une quête des origines qui patine sur son tapis roulant. Pour un conte raté dont on ressort rapetissé.
Le théâtre phagocyté par le musée
Le résultat nous semble peut-être d’autant plus décevant que les questions auxquelles s’attèle Mariano Pensotti sont, a priori, intéressantes : comment au fil du temps peut-on devenir le double de soi-même ? Comment la mythologie familiale influence-t-elle nos existences ? Comment sommes-nous sans cesse tiraillés entre le désir d’être quelqu’un d’autre et la peur de changer ?
La scénographie, pensée sur le modèle de l’exposition muséale, est elle aussi prometteuse. Mais le dispositif, au lieu de compléter/complexifier/contredire/déplacer ce qui se passe sur scène, est systématiquement illustratif. Manuel énumère-t-il les objets laissés par son père au fond du jardin familial ? Les voilà qui défilent sur des présentoirs. Idem avec une ribambelle de statuettes de chats, que collectionne Natalia. Et avec des photos grandeur nature de Damián qui retracent toutes les fois où il a été le double de lui-même au cours de sa vie. Etc. etc.
Ce qui est sans doute pédagogique dans un musée devient inutilement (ridiculement) illustratif sur une scène de théâtre. C’est dommage, car l’idée était bonne. Mais quand, à la fin du spectacle, on nous enjoint à « faire de notre vie le musée de nos meilleurs moments » (cerise sur le gâteau des fadaises), on se demande sérieusement ce que cela aurait changé, cet après-midi-là, de rester devant la télé plutôt que d’assister à un spectacle programmé à la FabricA, censée être un haut lieu de l’expérimentation artistique.