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Espæce, jeu des espaces-traces-mémoires-ponctuations – L'!NSENSÉ
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Espæce, jeu des espaces-traces-mémoires-ponctuations

Pour nous « raconter » l’univers créatif de l’écrivain Georges Perec (1936-1982), et surtout son célèbre livre Espèces d’espaces, le metteur en scène Aurélien Bory manie l’idée de traces, de marques, de taches dans l’espace… Peut-être est-ce une métaphore de notre propre vie, une infinité de trajectoires dispersées pendant un certain intervalle de temps, où on rencontre par hasard d’autres êtres aux trajectoires également infinies… Peut-être est-ce une métaphore du processus artistique de Perec, pour qui le geste artistique aura été marqué par des situations traumatiques vécues dans son enfance… Peut-être est-ce une métaphore de notre propre rapport à l’œuvre d’art (comme producteur ou récepteur de cet art), où nos mémoires et surtout nos oublis réapparaissent ou émergent… Il y a plein de « peut-être » et de « points de suspension », car tout ici est incertain. Ce que je sais, en revanche, (mais la certitude est subjective) c’est que Espæce est une écriture et surtout une ponctuation en mouvement. Un intervalle, de 1h20 environ, qui forme un espace de points de suspension, de virgules, de points d’interrogation et d’exclamation… et jamais de point final…

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Des univers inventifs de Perec et Bory
[/Mais l’enfance n’est ni nostalgie, ni terreur, ni paradis perdu, ni Toison d’Or,
mais peut-être horizon, point de départ, coordonnées

à partir desquels les axes de ma vie pourront trouver leur sens.

Georges Perec/]

Cinq artistes sur le plateau, tous habillés d’une grosse veste, côte à côte, chacun avec un livre. Il y a une obscurité à la Kafka. À partir de la forme qu’ils donnent à leurs livres (en tant qu’objets malléables, puisqu’ils sont vivants…), des caractères et des signes sont sculptés. En conséquence, une phrase est formée :
“Vivre, c’est passer d’un espace à un autre en essayant le plus possible de ne pas se cogner”.
Le public rigole. Les artistes sont debout, contre le mur. L’une chante de belle façon « Le Voyage d’Hiver », de Franz Schubert. Ce mur-là, étonnamment, bouge d’un côté à l’autre, et s’avance sur les figures. L’art nous absorbe. Par la suite, les réminiscences nous dévorent l’intérieur, même si nous essayons d’échapper à ce sentiment…
C’est comme ça : les premières minutes du voyage inventif proposé par Aurélien Bory. Un voyage frappant à cause de la relation entre les cinq figures et l’énorme mur noir mobile (déplacé en différents types de trajectoire : rotation horaire et antihoraire, diagonale, angle droit). Dans Espæce, un pareil dispositif n’est pas qu’un simple décor mobile… Il est une allusion concrète à l’univers de Perec, dont l’originalité était de transformer le mot en matière dansante, vivante, en s’éloignant de l’idée du livre comme œuvre intouchable, divine… En outre, à certains moments, le décor devient un grand livre qui s’ouvre et se ferme, et qui est écrit et taché par les artistes…
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Espace d’évocations
Les parents de Georges Perec, Icek Peretz (1909-1940) et Cyrla Szulewicz (1913-1943), juifs d’origine polonaise, se sont mariés en 1934. Icek (engagé volontaire contre l’Allemagne) est mort en 1940 pendant la guerre franco-allemande. Perec a été envoyé par sa mère à Villard-de-Lans via un train de la Croix-Rouge, pour lui sauver la vie. Sa mère, elle, sera déportée à Auschwitz en février 1943. Puis Georges est revenu à Paris en 1945, où il a été adopté par sa tante.
Dans le spectacle, la figure de sa mère est évoquée au travers de la voix de l’artiste-chanteuse : aux moments où elle chante « Le Voyage d’Hiver », la trajectoire de l’artiste-barbu (sa barbe est une claire référence à la barbe de Perec) est modifiée.
De plus, précisément la tragique séparation entre la mère et son fils est rappelée par la scène comique de l’alter ego de l’écrivain. Il fait un mime de manière exagérée et chantée (comme un spectacle d’opéra) pour nous raconter l’histoire d’une mère qui reçoit un appel bizarre alors qu’elle prépare à manger à son fils. Ensuite, elle s’échappe avec lui à travers la ville. Ce qui pourrait être une simple scène dramatique, le metteur en scène la transforme en ironie, car il estime sans doute que ce moyen est plus cohérent et correspond à l’univers ludique de Georges.
PS : Lisez la critique de Yannick Butel, “Espæce… (en voie de disparition) »
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Une rencontre concrète des artistes
Plus précisément, il y a une artiste qui chante, l’autre qui chante et représente, d’autres qui font des contorsions corporels et dansent. Cinq artistes dans l’espace. A un moment, un des artistes, avec un livre, se met à danser (la pensée danse…). L’autre artiste grimpe le grand mur jusqu’en haut, en se permettant ensuite de tomber sur le dos (dans la vie on se lance vers l’inconnu…). Une artiste effectue des contorsions corporelles avec le livre, sans perdre la relation visuelle directe avec l’artiste-barbu (mention à l’univers ludique de Perec). Les cinq se rencontrent et se perdent dans l’espace, s’enlacent, se permettent d’être absorbés par le mur ; enfin, la relation entre eux est physique et joue du principe d’interdépendance. Au moment où le mur est totalement tourné, le public peut regarder sa structure. Il y a des livres à son intérieur. Oui, l’art est « pensée »… Cirque, théâtre, danse, peinture, sculpture, musique, écriture, etc., l’art est production de savoir… Savoir du monde, de l’autre, de soi-même… Et parce qu’il est matière subjective, il est mouvement, fluidité, car on a la sensation que le passé et le futur se mélangent au temps présent pendant l’expérience artistique…

[/Il n’y a pas du temps sans un concept de mémoire ;

il n’y a pas le présent sans un concept de temps ;

il n’y a pas de réalité sans mémoire et sans une notion de présent, passé et futur.
[ …] La mémoire est nôtre sans historique et nôtre sans identité personnelle

(je suis qui je suis, car je me souviens qui je suis)./]

[/Ivan Izquierdo/]

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Une feuille en Blanc…
Au final de Espæce, il y a sur le plateau un grand tissu blanc. Avec l’effet de phosphorescence, chaque artiste trace une ligne sur le tissu. Ils font des traces sur la grande feuille, comme si c’était les lignes de la vie… Ensuite, l’artiste-chanteuse va jusqu’au centre du tissu, et sa silhouette est dessinée par le même effet… Puis, d’autres artistes restent côte à côte, et leurs silhouettes sont également dessinées, imprimées… Finalement, à travers un drone, des caractères comme E, R et C sont enregistrés sur le même tissu…
Il y a une phrase de l’écrivian Eduardo Galeano :
« La mémoire retiendra ce qui vaut la peine. La mémoire sait de moi plus que moi-même ; et elle ne perd pas ce qui mérite d’être retenu ».
J’ai le souvenir de la voix de l’artiste-chanteuse au moment où elle chante « Le Voyage d’Hiver » et de l’artiste-barbu qui chante un « Kaddish »… je retiens ces images qui m’écrivent…
Espæce est un jeu de trajectoires et, surtout, des temps.
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Espæce, um jogo de espaços-traços-memórias-pontuações


Espæce é um espetáculo difícil de descrever porque ele segue um caminho de não-obviedade…
Para nos “contar” o universo criativo do escritor Georges Perec (1936-1982), sobretudo de seu famoso livro Espèces d’espaces, o encenador Aurélien Bory se utiliza da ideia de traços, de marcas, de borrões pelo espaço… Talvez metáfora da nossa própria vida, que nada mais é que uma infinidade de trajetórias num determinado intervalo de tempo, onde cruzamos com outros seres também em infinitas trajetórias… Talvez metáfora do processo artístico de Perec, no qual algumas situações traumáticas da sua infância marcariam para sempre seu fazer artístico… Talvez metáfora da nossa própria relação com uma obra artística (como fazedores ou como receptores dessa arte), através do qual nossas memórias e principalmente nossos esquecimentos vêm à tona…São muitos talvez e muitas reticências porque tudo é incertitude, mas o que sei (e a certeza é um parâmetro subjetivo) é que Espæce é escrita e, principalmente, pontuação em movimento, o que tornou meu intervalo de mais ou menos 1h20 de tempo um espaço de reticências, vírgulas, interrogações e exclamações… Jamais de ponto final…

Universos inventivos de Perec e Bory
[/Mas a infância não é nem nostalgia, nem terror, nem paraíso perdido, nem Velo de Ouro, mas talvez um horizonte, um ponto de partida, ou coordenadas com as quais os eixos da minha vida poderão encontrar seu sentido. (Georges Perec)/]
Cinco artistas sobre o palco, todos de casaco, lado a lado, cada qual segurando um livro. O clima obscuro remete a um universo kafkaniano. Dependendo da forma que estes dão a seus livros (como objetos maleáveis, já que livros também possuem vida), “esculpem-se” letras e sinais gráficos que, consequentemente, formam uma frase.“Vivre, c’est passer d’un espace à un autre en essayant le plus possible de ne pas se cogner”. Risos na platéia. Eles estão ao fundo do palco, contra a parede. Uma das artistas canta lindamente « Le Voyage d’Hiver », de Franz Schubert. A tal parede, surpreendentemente, começa a se movimentar de um lado para outro, até avançar sobre as figuras e engoli-los. A arte nos engole. Através dela, as reminiscências nos devoram por dentro, mesmo que tentemos fugir delas…
É assim os primeiros minutos da viagem inventiva proposta por Aurélien Bory, que a todo o momento nos surpreendeatravés da relação entre as cinco figuras e a enorme parede negra móvel (a qual é deslocada pelo espaço em diferentes tipos de trajetória, como em rotação horária e anti-horária, em diagonal, em ângulo reto, etc.). Em Espæce, tal dispositivo é muito mais que um simples cenário móvel… Ele serve de alusão concreta ao universo de Perec, cuja genialidade consistiu justamente em tornar a palavra uma matéria dançante, viva, e consequentemente distanciou a ideia de livro como obra intocada, divina… Mais do que isso, em certo momento, o cenário se torna um grande livro que abre, que fecha, que é escrito e que é borrado pelos próprios artistas…
Espaço de evocações
Os pais de Georges Perec, Icek Peretz (1909-1940) e Cyrla Szulewicz (1913-1943), judeus de origem polonesa, se casaram em 1934. Icek, voluntário do lado francês na guerra franco-alemã em 1939, é morto em 1940. Perec é enviado por sua mãe em 1941 à uma “zona livre” em Villard-de-Lans através de um trem da Cruz Vermelha, a fim de salvar sua vida. Já sua mãe é deportada à Auschwitz em fevereiro de 1943. Em 1945, Georges retorna à Paris, sendo adotado por sua tia.
No espetáculo, a figura da mãe é evocada através da voz da artista-cantora: nos instantes que ela canta« Le Voyage d’Hiver », a trajetória do artista-de-barba é modificada (sua barba é referência à barba de Perec). Além disso, mais precisamente, a trágica despedida entre mãe e filho é relembrada através do solo cômico do mesmo artista, o qual mimetiza de maneira exagerada e cantada (como se fosse um espetáculo de ópera) a história de uma mãe que prepara uma comida ao seu filho pequeno, e que ao receber um estranho telefonema, decide então fugir com ele pela cidade. O que poderia ter sido uma simples cena dramática, o encenador, sabiamente, transforma em ironia, pois ele sabe que tal recurso combina mais com o universo lúdico de Georges.
PS: ler a crítica de Yannick Butel, “Espæce… (en voie de disparition)”
Um encontro concreto de artistas
Mais precisamente, há uma artista que canta, outro que canta e representa, outros que fazem contorções corporais e dançam. Cinco artistas no espaço. Num momento, um dos artistas, portando um livro, começa a dançar (o pensamento dança…). Em outro momento, outro artista escala a grande parede até seu topo, deixando-se cair de costas logo em seguida (a vida é um lançar-se no desconhecido permanente…). Mais adiante, uma artista faz contorções corporais com o livro, tendo uma relação visual direta com o artista-de-barba (referência ao universo lúdico de Perec). Os cinco se encontram e se desencontram pelo espaço, se abraçam, se perdem, se deixam ser engolidos pela parede, enfim, a relação entre eles é essencialmente física, concreta, de interdependência. No momento que a parede é completamente girada, permitindo ao público de mirar sua estrutura, vêem-se livros em seu interior. Sim, arte é pensamento… Seja circo, teatro, dança, pintura, escultura, música, escritura, seja o que for, arte é produção de conhecimento… Conhecimento do mundo, do outro, de si mesmo… E por ser essencialmente matéria subjetiva, ela é movimento e fluidez, porque na experiência artística temos a sensação de que o passado e futuro se fundem no tempo presente…
[/Não há tempo sem um conceito de memória; não há presente sem um conceito do tempo; não há realidade sem memória e sem uma noção de presente, passado e futuro. […] Memória é nosso senso histórico e nosso senso de identidade pessoal (sou quem sou porque me lembro quem sou). (Ivan Izquierdo)/]
Uma folha em branco…
Mais ao final de Espæce, há sobre o palco um grande tecido branco. Com a chamada luz fosforescente, cada artista desenha uma linha horizontal sobre o tecido (como se este fosse uma grande folha em branco)… Eles fazem traços sobre o grande papel, ou as linhas da vida… Em seguida, a artista-cantora se dirige ao centro do tecido, e sua silhueta é desenhada com o mesmo tipo de luz… Após, outros artistas são colocados lado a lado, e suas silhuetas são igualmente desenhadas… Por fim, através de um drone, letras são registradas sobre o grande tecido, como o E, R, C…
Há uma frase do escritor Eduardo Galeano, que diz: “A memória guardará o que valer a pena. A memória sabe de mim mais que eu; e ela não perde o que merece ser salvo.”Guardo a lembrança da voz da artista-cantora cantando “Le Voyage d’Hiver” e do artista-de-barba cantando “Kaddish”, guardo imagens do espetáculo como essas que acabei de descrever… Espæce é um jogo de trajetórias e, principalmente, um jogo temporal.