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Une lettre de Joris Mathieu – L'!NSENSÉ
Bienvenue sur la nouvelle scène de l'!NSENSÉ
illustration édito

Une lettre de Joris Mathieu

Nous relayons ici une lettre de Joris Mathieu (directeur du Théâtre Nouvelle Génération à Lyon) à la suite de la non réouverture des théâtres.

Mesdames, Messieurs,

Chers spectatrices et spectateurs,

Chers ami·e·s et collègues,

Inutile de vous informer de ce que tout le monde sait déjà.

Nous n’ouvrirons pas nos portes demain, comme nous nous y préparions depuis trois semaines.

Plutôt que de l’abattement, aujourd’hui nous ressentons de la colère et sommes dans l’incompréhension la plus totale des décisions qui ont été prises concernant notre secteur culturel.

Nous comprenons la situation et les enjeux sanitaires.

Nous connaissons notre responsabilité qui consiste à veiller à ne pas propager le virus par l’organisation de rassemblements massifs.

Nous avons accepté la fermeture temporaire de nos lieux en mars dernier pour prendre le temps de mettre en place tout ce qu’il était possible de faire pour adapter notre fonctionnement à cette crise. C’était alors normal. Nous avions tous besoin de prendre du recul, de prendre la mesure de ce virus pour apporter des réponses valables pour garantir la sécurité de tous dans nos établissements.

Pourtant en novembre, nous avons dû fermer à nouveau nos portes.

Et ce que nous pensions être un régime d’exception est en train de s’installer dans la durée pour devenir une norme. Une norme qui peut laisser penser que l’interruption de la vie culturelle n’est considérée que comme la mise à l’arrêt d’un secteur économique, et non comme le renoncement à une activité essentielle à l’équilibre des individus, à la vie en communauté et à l’éducation de la jeunesse.

Quand une société, comme l’écrivait déjà Bernanos en 1945, impose à l’homme des sacrifices supérieurs aux services qu’elle lui rend, alors on a le droit de dire qu’elle cesse d’être humaine, qu’elle n’est plus faite pour l’homme, mais contre l’homme. Ce qu’il ne dit pas, c’est au bout de combien de temps, après combien d’efforts pour comprendre et s’adapter à une situation inédite, on peut finir par se résigner ou se décider à s’insurger.

Aujourd’hui, nous y sommes.

L’ensemble des professionnels de notre secteur, a décidé par l’intermédiaire de nos instances syndicales de déposer un recours en référé-liberté auprès du Conseil d’État.

Ce recours est motivé par le fait que nous jugeons totalement arbitraires et inéquitables les décisions de fermeture des établissements culturels, au regard du maintien de tant d’autres activités commerciales, qui génèrent des flux de circulation importants durant les fêtes. Il en est de même par rapport à l’autorisation accordée aux lieux de cultes d’ouvrir leurs portes.

Entendons-nous bien, il ne s’agit pas d’ouvrir coûte que coûte, sans conscience de la situation sanitaire. Nous demandons, en tant que service public de l’Art et de la Culture à pouvoir assurer la continuité de nos missions. Nous demandons à ouvrir et que cette ouverture soit associée à un protocole stable et définitif, qui nous permette de sortir de la logique du stop and go permanent. Un protocole qui pourrait par exemple tenir compte de plusieurs stades sanitaires, et qui nous conduirait à limiter nos jauges en fonction de la situation.

Tout comme les établissements scolaires, nous ne pouvons plus accepter de fermer nos portes, en dehors de périodes exceptionnelles de re-confinement généralisé que la pandémie pourrait malheureusement nous imposer à nouveau.

Notre activité, bien loin d’être un bien de consommation accessoire, constitue un des socles de la République. Ce service public doit pouvoir continuer à fonctionner a minima, en toute circonstance. Il en va de l’équilibre et de l’intégrité du corps social que nous formons collectivement.

Je vous remercie pour votre attention à ces quelques mots mais aussi au nom de toute l’équipe du théâtre pour le soutien que vous nous manifestez chaque jour par vos messages et commentaires.

Nous pensons à vous également car nous savons la période difficile pour toutes et tous et nous espérons pouvoir vous retrouver dès le début du mois de Janvier, même en petits comités, pour démarrer ensemble une nouvelle année placée sous des auspices moins déraisonnables.

Bien à vous tous,

Joris Mathieu,
Directeur