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Une (micro) histoire économique du monde, dansée… Une mise en scène du lien – L'!NSENSÉ
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Une (micro) histoire économique du monde, dansée… Une mise en scène du lien

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Pour sa troisième année à la direction du Théâtre de Gennevilliers, Pascal Rambert revient in situ pour présenter son dernier spectacle intitulé « Une (micro) histoire économique du monde, dansée ». Depuis « Toute la vie », ces dernières créations se sont faites à l’extérieur, c’est le cas par exemple de « Libido Sciendi » créé pour le festival de Montpellier danse en 2008 et de « Armide » un opéra de Lully créé à Houston en 2009. Quand nous arrivons à Gennevilliers, nous sentons l’équipe du théâtre attentive et impatiente d’accueillir les spectateurs pour cette création « maison ». Le projet de ce spectacle est de regarder le monde à travers l’histoire de la pensée économique et de la relier avec la question de ce que l’art produit. Cette pensée passe par la réflexion sur les théories de Adam Smith, de Keynes ou de Karl Marx, observant les commentaires de Marcel Mauss sur les échanges chez les Maoris et sa théorie du don et du contre don, ayant une attention pour Blaise Pascal et sa pascaline (grand-mère de la calculatrice), à Montaigne, à Mallarmé sans oublier le mécanisme des subprimes déclencheur d’un effet domino aboutissant à la crise actuelle. Pour exposer, ces théories, Pascal Rambert a composé avec le philosophe Eric Méchoulan un texte qui expose dans un langage parlé (réinventé chaque soir) et réflexif, les différentes théories s’appuyant au maximum à ce que le plateau déploie d’humanité et de singularité. En effet, Pascal Rambert dans ce spectacle multiplie les différences, les perspectives et les reliefs.
Commençons par un Flash Back
Depuis sa nomination au théâtre de Gennevilliers, Pascal Rambert a mis en place un atelier d’écriture hebdomadaire ouvert à tous. Cet espace a été envisagé comme un rendez-vous où les gens se réunissaient dans le silence autour d’une grande table pour écrire puis après le temps de l’écriture, les corps se déplaçaient sur le plateau laissant le temps aux mots de se faire entendre. Ayant traversé le Théâtre de Gennevilliers, j’ai pu être le spectateur de cet atelier. J’ai pu observé aussi l’importance pour ces écrivants que cet espace et ce temps avaient. C’est avec une assiduité et une régularité qu’ils arrivaient au théâtre, qu’ils se retrouvaient et qu’ils se préparaient pour trois heures ensemble à écrire, dire et écouter.
Pascal Rambert a sollicité 25 de ces écrivants pour participer à cette pièce. Il a aussi voulu ce spectacle avec une vingtaine de choristes de l’école nationale de musique de Gennevilliers participant de sa volonté de relier les structures culturelles de Gennevilliers. Et comme une évidence, il s’est appuyé sur son équipe composée de Kate Moran, Virginie Vaillant, Clémentine Baert et Cécile Musitelli, quatre actrices avec lesquelles il travaille depuis quelques années, pour construire cette (micro) histoire économique du monde, dansée. Ce sont elles qui vont faire les liens et les liaisons entre la parole « exposée » d’Éric Méchoulan et celles des amateurs et des choristes. Car la parole si elle est celle des mots est aussi celle du « ballet », de la chorégraphie comme nous le suggère le mot qui ponctue le titre.
Dans la salle, nous découvrons le plateau tout repeint en blanc et entièrement ouvert sur les deux salles de représentation donnant une perspective impressionnante. Au centre de cet espace, un micro se tient sous un éclairage uniforme de néons. C’est manifestement un espace d’exposition et cette blancheur chère à Mallarmé est l’endroit où quelque chose va s’écrire. Cette écriture, au même titre que les différentes théories économiques se rencontrent dans les exposés d’Éric Méchoulan, est un agencement des paroles multiples. Celle de Pascal Rambert qui ouvre la pièce, mais celles qui sont contemporaines aux différentes théories économiques, celles de Montaigne et Mallarmé par exemple, celle des amateurs qui écrivant en live nous donnent à entendre leur parole. Cette multitude, nous la percevons aussi sur les formes de théâtre que nous propose cette pièce, passant d’une saynète, à un poème, d’un poème à un langage parlé, de cette langue quotidienne à un chant, de ce chant choral à la danse qui prend sa part dans l’écriture. Cette multitude permet d’entendre l’Histoire et l’Aujourd’hui. En effet, nous sommes dans l’Histoire en traversant les écritures et les différentes postures sur l’économie, mais c’est aussi un rapport aigu à l’Aujourd’hui en relayant la multiplicité des endroits de parole. C’est dans ce déploiement des multiples émissions de parole que s’engage Rambert sans juger ni les unes, ni les autres. Il construit l’espace dans lequel ces paroles peuvent s’exprimer conjointement, développant les perspectives et les reliefs de chacune d’elle et proposant des lignes, des liens et des échanges.
On peut voir l’économie comme l’endroit du lien parce que c’est le lieu de l’échange. Et c’est aussi à cet endroit que le spectacle est complet car l’échange est aussi une question que se pose l’art. C’est ainsi que dans les prises de parole d’Éric Méchoulan sur l’économie, nous pouvons les relier à ce que la pièce est. Par exemple, pour introduire son exposé, il parle du magasin LiDL en face du théâtre. Il dit que ce genre de magasins ressemble à un entrepôt l’associant à l’espace dans lequel il nous dit ça et que dans ce genre de commerce il n’y a pas de mise en scène des produits et que cette absence de mise en scène est déjà une mise en scène. C’est une façon de dire et d’affirmer que ce qui se déroule sur la scène sont des choix. Ensuite il parle du fait que la philosophie cherche à mettre en relation, en lien des choses différentes pour réfléchir le monde. La démarche et la construction du spectacle participe d’un processus proche. Nous assistons à la mise en relation des choristes, des amateurs écrivant, des actrices et un philosophe en vue de réfléchir ce que je nommais l’Histoire et l’Aujourd’hui.
Les interventions philosophiques d’Éric Méchoulan se trouvent à l’intérieur d’un dispositif scénique et chorégraphique porté par la cinquantaine de personnes. Nous sommes en face d’une (micro) humanité qui danse, chante, joue, réfléchie, prend la parole. Ce spectacle nous montre une maquette, un modèle réduit des liens et des échanges productifs et improductifs d’une « société ». Pascal Rambert avec Une (micro) histoire économique du monde, dansée, invente un procédé qui raconte en temps réel ce qui se passe devant nous et en même temps qui traverse une histoire économique, littéraire et théâtrale. Il s’appuie sur des formes simples de mise en scène et de chorégraphie permettant le regard de s’attacher à la singularité et l’humanité de chaque interprète plutôt qu’à l’effet spectaculaire d’une prouesse technique, d’une virtuosité ou d’un savoir faire. Pascal Rambert a su avec son équipe créer et inventer les liens pour nous raconter Une (micro) histoire économique du monde, dansée.