Cette page requiert que JavaScript soit activé pour fonctionner correctement. / This web page requires JavaScript to be enabled.

JavaScript is an object-oriented computer programming language commonly used to create interactive effects within web browsers.

How to enable JavaScript?

Bildraum : la chambre du regard – L'!NSENSÉ
Bienvenue sur la nouvelle scène de l'!NSENSÉ
illustration article

Bildraum : la chambre du regard

La photographe Charlotte Bouckaert et l’architecte Steve Salembier nous entraînent dans une déambulation visuelle où chaque regard nous fait avancer d’un pas dans un univers d’une simplicité poétique et curieuse.
 
« Techniciens de l’imaginaire » : c’est par cette expression que se définissent la photographe Charlotte Bouckaert et l’architecte Steve Salembier, fondateurs de l’Atelier Bildraum. Ayant tous deux quitté leur pratique pour se consacrer à la création artistique, leur duo propose à la scène une visite de maquettes d’architecte par le regard de la photographe dont les prises de vues se projettent unes à unes sur un écran situé au fond du plateau. En associant sons et images, ils autorisent le spectateur à une rêverie à partir de ces lieux miniatures dont on découvre peu à peu les angles cachés pour finir sur la vision d’espaces ouverts et dévastés.
Quelques repères avant de débuter : l’Atelier Bildraum est artiste associé chez LOD Muziektheater, une maison de production située à Gand (Belgique) qui, depuis 25 ans, se veut un véritable foyer de création pour l’opéra et le théâtre musical et offre aux artistes un espace commun de création, un soutien et un accompagnement des projets sur le long terme. Parmi ces artistes, on retrouve quelques uns des grands noms de la création belge contemporaine : Josse de Pauw, Dominique Pauwels, Kris Defoort, Guy Cassiers.. la liste est longue. Les deux artistes de l’Atelier Bildraum présentent à la Patinoire de la Manufacture un travail minutieux et précis reposant sur une installation astucieuse qui rejoue le travail de composition architectural et photographique et les entremêle pour construire une narration imaginaire.
Sur le plateau sont disposés quelques socles sur lesquels reposent des maquettes inachevées, petites boîtes blanches comme abandonnées et dispersées dans l’espace vide. Un homme entre dans l’obscurité et dépose, avec un soin et un calme précis, des petits accessoires blancs, un gradin miniature et un toit. La photographe apparaît alors depuis le fond de la scène et s’agenouille près de l’ensemble. La photo qu’elle prend se projette sur l’écran face aux spectateurs et débute une flânerie étrange dans ce lieu vidé de toute présence humaine visible. Pendant un peu moins d’une heure, on se balade ainsi dans les recoins des différentes maquettes, parfois au son d’une musique composée par Steve Salembier et interprétée à la guitare électrique en direct, parfois avec des bruitages sonores qui comblent l’absence de discours. Les deux artistes nous entraînent pas à pas dans une maison d’un blanc aseptisé où semble se tenir un dîner et où l’ivresse l’emporte rapidement, offrant des visions de plus en plus floutées.
C’est ainsi au spectateur de reconstituer une narration à partir de ces regards de Charlotte Bouckaert dont on voit le reflet sur l’écran et à partir aussi de ces sons que l’on regrette parfois d’être trop illustratifs. Si le son ouvre l’imaginaire, il le ferme également dès lors qu’il rencontre une image : un bruit de pas accompagne la photo d’un escalier, difficile de rêver à autre chose qu’une personne grimpant des marches. Reste que si certains moments proposent un cadre fermé à l’imaginaire du spectateur du fait de ces bruitages, les deux artistes ont l’intelligence de faire surgir au fil de cette visite quelques éléments qui réinjectent du fantastique ou du moins qui intriguent et échappent à toute explication sonore. Et c’est à cet endroit que leur travail parvient à dramatiser le regard photographique, en ce qu’il fait partager ce que Cartier Bresson nommait l’instant décisif : celui où l’on appuie sur le déclencheur pour réaliser la prise de vue. Tout au long de cette performance installation, le spectateur peut observer les gestes concentrés de la photographe et, pendant quelques secondes, imaginer en lui-même l’apparence de la photo à venir – image avec laquelle la photo projetée fera toujours un écart, or c’est précisément dans cet espace invisible entre la photo telle qu’elle avait été fantasmée par le spectateur et celle que le regard de Charlotte Bouckaert nous renvoie que se situe un espace de liberté.
On croise ainsi au fil des photos une chambre mortuaire ou un bureau, un grenier que l’on vide en un battement de paupière de tous ces meubles ou encore une piscine dans l’eau de laquelle on plonge la tête. À la fête aux invités soustraits à notre regard succède un déferlement de balles de ping-pong puis de pierres qui détruisent en une tempête étrange l’ensemble de la maison. L’architecte et la photographe nous font alors quitter ce lieu dévasté pour aller se perdre dans des espaces ouverts tout aussi abandonnés, dans des reliefs fait de terre ou de sel. On se prend alors à rêver de déambuler dans ces images grisées aux contrastes parfaitement travaillés tandis que la mélodie répétitive et lancinante reprend à la guitare. Le temps de ce spectacle, les deux artistes émergents nous auront ainsi baladé au fil de leurs regards et de leurs constructions miniatures et fait découvrir une poésie que l’on sera curieuse de poursuivre avec eux.