Cette page requiert que JavaScript soit activé pour fonctionner correctement. / This web page requires JavaScript to be enabled.

JavaScript is an object-oriented computer programming language commonly used to create interactive effects within web browsers.

How to enable JavaScript?

Chapelle pour un rêve absent – L'!NSENSÉ
Bienvenue sur la nouvelle scène de l'!NSENSÉ
illustration article

Chapelle pour un rêve absent

Drums and Digging est la dernière création du chorégraphe congolais Faustin Linyekula. Digging signifie creuser et au Cloître des Célestins, durant 1h30, il présente un spectacle, aveu de sa nécessité à trouver une force nouvelle pour continuer à raconter des histoires.
Faustin Linyekula est assis et, au micro, commence par ces mots : « C’est encore moi. Je suis un raconteur d’histoires…/… Mais je ne veux plus raconter de malheurs …/… Pour qui veut raconter le Congo que trouve-t-on si ce n’est des histoires de ruines ? ».
Avec lui il y a – il va les nommer tour à tour – Veronique Aka Kwadeba, Papy Ebotani, Rosette Lemba, Pasco Losanganya, Yves Mwamba, Pasnas.
Vêtus de noir ils tournent en rond.
Ils chantent.
Ils piétinent.
C’est l’histoire d’un maître joueur de tambour. Hanabouton – appelé ainsi parce qu’il joue si bien du tampour qu’il en perd ses boutons. Faustin est parti le retrouver dans son village natal, à Obilo, à 82 km de l’Equateur, parce qu’il cherche une histoire à raconter. Parce qu’il cherche une source. Mais Hanabouton ne joue plus. Il est devenu pasteur dans une église évangélique.
C’est l’histoire d’un rêve, qui creuse.
C’est l’histoire du chant traditionnel mongo, peuple des forêts de la province de l’Equateur. En accompagnement des danses.
C’est l’histoire de Mobutu, qui fait un rêve. Le 13 octobre 1963. Quatre chats qui dansent en rond autour d’un puit et l’invitent à regarder au fond. Il y voit son village, Gbado, devenir une ville. Il refera ce rêve sept fois. La ville grandit à chaque fois. Chaque fois plus grande. Chaque fois plus hautaine et absurde. Le jour du dernier rêve, le 16 mai 1997, il ne voit, au fond du puit, que feu et sang.
Et tandis que le comédien raconte, face public, cette histoire du rêve de Mobutu, Faustin, derrière, contruit une structure de bois, sorte de modèle aggrandi d’une structure Ikea où les choses s’emboitent pour qui sait faire preuve de patience. Et lorsque la structure est hissée à la force de tous, elle ressemble à une maison, ou une chapelle, quelque chose autour duquel ils danseront comme dansent les Indiens autour d’un totem.
La nuit de la République démocratique du Congo – pays parmi les plus riches d’Afrique, à la population parmi les plus pauvres – tombe, lourde comme de la suie, sur l’imaginaire de Faustin Linyekula. Il a décidé d’y revenir vivre il y a dix ans, elle est au cœur de ce « Drums and digging ». Un pays en souffrance, et un homme en manque d’histoires autres que des histoires cauchemars.
Veronique Aka Kwadeba aurait pu être le corps d’une expérience. Elle qui est la petite nièce de Mobuto, famille noble déchue qui porte un nom sanglé de honte, aurait pu être une voie. Elle nous raconte une histoire. L’histoire d’Alice, qui rapetit, rapetit, rap petit, qui finit en petit rat.
Cette quête d’un imaginaire qui ne veut plus puiser son encre dans une terre baignée de sang, trop lourde à ramasser, aurait pu être le corps d’une expérience.
« Ai-je encore besoin de raconter des histoires ? ».
Faustin cherche un rêve qu’il ne trouve pas. Nous non plus.