Désobéir… titre prétentieux
Julie Berès, qui dirige la compagnie Les Cambrioleurs, propose Désobéir. Spectacle programmé par la Manufacture. Si la presse est unanime sur le sujet abordé (famille, religion, l’avenir) parce qu’au plateau quatre jeunes femmes issues de l’immigration font le spectacle ; on peut douter que cette forme, qui ravit les spectateurs, soit en définitive au bon endroit. Peut-être parce que cette Pièce d’actualité n°9, produite dans le cadre du cycle de théâtre militant de La Commune d’Aubervilliers, trouve difficilement sa place dans un festival estival (où les touristes viennent se divertir) et que les enjeux tant politiques que sociaux et esthétiques se trouvent dénaturés par le lieu où elle se manifeste pour n’être plus qu’exotiques.
Comprenons bien ce qui s’écrira bientôt. Nul doute que les 4 interprètes au plateau font montre d’une belle énergie et qu’il n’est pas question ici de remettre en cause leur travail de comédienne. Même si on peut toujours s’interroger sur le jeu, quand on joue ce que l’on est. Ce ne sont pas davantage les thèmes qui seront abordés qui auront été embarrassants. Après tout, on peut discuter de tout avec légèreté au plateau : du foulard, du racisme des blancs, de la conversion, de l’islam comme ferment de la communion, du regard des hommes sur les femmes, de cul et de sexe pour peu que dans la chaleur moite on ait encore le souvenir de la bite qui enfle et de la chatte qui mouille (j’écris aussi proche que possible de ce que j’ai entendu). On peut, de la même manière, se satisfaire de séquences dansées sur le rythme de musiques que l’on capte de loin en passant aux abords des « quartiers ». On peut se dire que la vulgarité est une option esthétique qui vient contrefaire la « beauté » qui semble récurrente aux recherches théâtrales. Et ainsi se payer une tranche de « spectateur bourgeois » ou considéré comme tel.
On peut tout faire, en définitive, y compris actualiser une scénette de Molière entre Arnolphe et Agnès. On peut encore, à certains endroits, verser dans le pathétique, histoire de rendre sensible la condition de ces filles d’ailleurs que d’aucuns découvriraient pour la première fois au théâtre.
On peut aussi désespérer que ce pathétique vienne suppléer le manque de rigueur de Julie Berès dont le spectacle se regarde comme « un théâtre food » aussi fast qu’indigeste, puisqu’il ne prend le temps de rien. Rien développer, rien aboutir, rien dire d’un peu soutenu et pertinent. Ainsi, par exemple, s’inquiéter du regard des hommes sur les femmes et justifier le port du foulard comme une protection contre ce priapisme rétinien aurait mérité une réflexion un peu plus profonde. Et pourquoi pas une pièce entière.
Mais Berès est pressée. Alors elle bacle, et elle boucle en une heure ce qui, aujourd’hui, est au cœur de nombreux questionnements qui suscitent la division, voire aussi et surtout, la renaissance de fascisme européens. Et tout cela pour le plus grand plaisir de nombre de spectateurs qui auront vu, finalement, ce qu’ils croisent dans les magazines chez le dentiste. Faut tout de même effrayer le vacancier avec un effort de pensée…
On ne peut donc pas souscrire à cette mise en spectacle qui aurait sans doute conduit Guy Debord à fulminer. Désobéir relève exclusivement de la société du spectacle dans ce qu’elle a de caricatural et de vulgaire, de déficit d’exigences et de souci du lieu qu’on occupe. Et bien entendu de la responsabilité de l’artiste dans le champ social. Désobéir, c’est juste un faux titre pour un faux spectacle. Il n’y a que ça de juste, au vrai, mais il faut malheureusement en faire l’épreuve pour le vérifier. Et malheureusement donc, ça fait le tour des cantines culturelles qui ne manquent jamais une occasion de s’égosiller sur un engagement, un spectacle politique, etc. Comme disait Léo « de quoi dégueuler, vraiment ».