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Hearing. C’est comme ça. – L'!NSENSÉ
Bienvenue sur la nouvelle scène de l'!NSENSÉ
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Hearing. C’est comme ça.

Du 21 au 24 juillet, Hearing de Amir Reza Koohestani joue au théâtre Benoit XII. Une histoire, un interrogatoire, une caméra, quatre comédiennes. Le pouvoir arbitraire. C’est comme ça.

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Quand j’entre dans le théâtre Benoît XII, les sacs sont, comme chaque fois, fouillés dans ce temps d’hystérie généralisée. Croire que ces gentilles ouvreurs et ouvreuses pourraient arrêter un tueur décidé relève quand même de la pensée magique. Je ressors parce que ça ne rentre pas encore, dans la salle. En retraversant le seuil, on me contrôle encore. « Vous êtes déjà passé, non ? » « Oui, mais je suis ressorti parce que ça n’entrait pas encore. » « La petite poche aussi svp. » Soupire. « Eh oui, c’est comme ça. »
C’est comme ça, donc. Et on se dit que les « C’est comme ça. » ont redoublé en masse en 33 et après. Et on se dit que ces « C’est comme ça. » avec toute leur déférence pour l’autorité préparent bien le fascisme à venir. On se dit bien que c’est le début et la cause de ce dont la pièce Hearing parle. Écouter ce qu’on nous dit. Et répondre. Que dans cette logique, il y a toujours un supérieur, que ce n’est jamais nous le responsable, que l’on est toujours victime et bourreau, que les victimes produisent des bourreaux et que lorsque l’autorité lui plaira d’appliquer des procédures arbitraires, on pourra dire bye-bye à quelque chose qui se rapprochait à la justice. On pourra dire bye-bye aux preuves. Mais, c’est comme ça. Point.
Ça parle donc de ça. C’est donc un interrogatoire qui tourne en rond, infiniment. Une camarade d’école a entendu une voix masculine dans la chambre à côté, en parle. Ou :
« Chaque fois qu’elle prend son vélo, Samaneh repense à Neda qui dévalait, libre, les rues encore désertes de Téhéran, à Neda qui ne reviendra pas de son exil en Suède. Elle repense à ce soir de Nouvel An où, restée à l’internat pour filles de son université, elle croit entendre le rire d’un homme provenant de la chambre de sa camarade. Voix réelle aux côtés de son amie censée rester seule ou voix tapie au creux de ses fantasmes d’adolescente ? Trop tard. La rumeur de la transgression absolue a couru. Un rapport est remis à la surveillante. Depuis douze ans, Samaneh revit en boucle l’interrogatoire subi, ressasse les réponses qu’elle ne peut plus changer, revit son « cauchemar de femme coincée dans la culpabilité ». Une sanction inconsciente qu’Amir Reza Koohestani, dans cet opus en clair-obscur, souligne d’un trait bleu qui ne la quittera plus. Cette voix, c’est aussi le ressort dramaturgique de la pièce. C’est la caméra subjective du metteur en scène iranien qui explose les limites spatiales du théâtre et les limites sensorielles de la représentation ; une navigation délicate dans les eaux elliptiques mais universelles de l’implicite. Là où courants intimes et sociaux se télescopent faisant rejaillir la violence sourde d’une vie passée sous les interdits. »
Programme du Festival.
Rien à rajouter.
Sauf peut-être ce vague sentiment qu’une certaine idée bien-pensante pousse les spectateurs d’Avignon à applaudir n’importe quel théâtre dès qu’il vient de pays qu’on bombarde, bombardait ou bombardera. Croire que taper dans leurs mains rachèterait leur responsabilité relève peut-être autant de la pensée magique, mais au moins ç’aura racheté leurs consciences. C’est comme ça.
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