Iom oulédet saméah’ !
Jerusalem Plomb durci… est le début du titre de la proposition du Collectif Winter Family, lequel se poursuit par « Un voyage halluciné dans une dictature émotionnelle ». Une pièce vidéo, sonore, visuelle, chorégraphiée, parlée, chantée… de 55 minutes de Ruth Rosenthal et Xavier Klaine, enregistrée, entre 2009 et 2010, présentée dans la Vingt cinquième heure.
Vrombissements d’avions à réaction, sirènes d’alerte perdues dans le lointain, sirène de voiture de police, paroles de fêtes, cris de manifestations, voix de tumultes, images de talk show télévisées encadrés par des militaires qui veillent ou posent, paysages blanchis par le soleil, visages recueillis, monde de casquettes, de Kippa, de voiles, tenues décontractées… Robes de paillettes, couleurs d’uniformes verts, bleus, blancs, drapeaux israéliens petits et grands, voix off, énumération des résolutions de l’ONU du début des années 40 à nos jours, la même, toujours la même augmentée de nuances qui sont autant d’indicateurs de la montée de la violence, du fossé qui ne cesse de se creuser entre la communauté internationale et Israél, entre, surtout, le peuple palestinien et les israéliens, fêtes juives, fêtes, feux d’artifice, bruits de munitions tirées, fêtes à la télé : petit écran du recueillement, fêtes, fêtes, fêtes…commemorations, célébrations, deuil et bougies, joies organisées, souvenirs institutionnalisés, Holocauste, 6 millions, et Sabra et Chatila aussi, pas loin, en mémoire. Je pense à Genet. Accueil de la diaspora de retour de l’exil et de l’errance. Territoires occupés, colonies développées… Mémorial, aussi: Yad Vashem (une main et un nom) traduit-on. Opérations militaires dont une Jerusalem Plomb Durci, nom de code et mouvement de troupes vers Jerusalem… évocation des roquettes du Hezbollah, prières: juives, chrétiennes… voix arabes, prières et présence de l’islam…
C’est un melting pot d’images et de sons, de photos et de vidéo, de situations… que le duo franco-israélien propose à sentir. Car ici, on est dans le sentir plus que dans le raisonner. L’idée qui gouverne à cette proposition qui tient d’une performance, c’est peut-être alors de devenir sensible à une société israélienne qui vit indistinctement sa militarisation et sa civilité. Espace où le militaire et le civil se confondent dans la mission commune : garantir la vie d’Israel, l’Etat de Sion, au risque de devoir coloniser, anéantir, réduire, la vie d’un autre peuple. Israel, c’est Tsahal.
Sur la scène, un territoire transformé en champ de bataille, un haut parleur, des bougies, des drapeaux et surtout la présence de Ruth Rosenthal. Voix désabusée, ironique, jupe d’enfants et nattes de petites filles. Elle parle, s’interrompt, chante s’arrête, commente se retient. Et semblable à une marionnette dont les fils viendraient à lâcher un à un, elle s’immobilise. Sur scène, sa gestuelle est mutante, semble commencer une danse pour être rattrapée par un geste militaire, semble marcher librement quand le bas devient cadencé. Elle parade sans jamais trouver une identité unique, un geste enfin un… ou quand le mécanique vient briser le poétique de la vie.
Une manière de montrer, sans arrêt, l’impossibilité d’un développement, d’une autonomie, d’une indépendance de mouvements et de pensée. Une manière de saccader ou d’arrêter l’histoire d’un état qui construit la sienne. Ou pas un jour de la fondation de l’Etat d’Israel n’est pas en même temps le jour anniversaire d’un mort de part et d’autre des communautés qui s’y… meurent.
On m’a dit, récemment, « Iom oulédet saméah » : joyeux anniversaire.