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La voix comme geste chez La Princesse Maleine – L'!NSENSÉ
Bienvenue sur la nouvelle scène de l'!NSENSÉ
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La voix comme geste chez La Princesse Maleine

L’enjeu d’un « corps-voix »… un geste-voix…

Aux premiers instants de la représentation de La Princesse Maleine, moi j’avais trouvé ce que je voyais tellement beau esthétiquement, surtout en raison du caractère pictural encadré parfaitement par les deux beaux platanes du Cloître des Célestins. C’était beau de voir les comédiens à la table, beau ces blocs de glace, ces jeux d’ombres, la lumière de la lune sur la scène, l’ambiance nocturne et mystérieuse.
Cependant, cette langue française du XIXème siécle m’était si étrange (je suis de Porto Alegre, au Bresil) que je me suis sentie éloignée de la mise en scène. À ce moment-là je ne pouvais plus « accéder » à ce travail parce que je cherchais à « comprendre » rationnellement ce qui était dit par les comédiens de Kirsch. Je cherchais le « sens » des mots de Maeterlinck.
Et alors j’ai décidé de juste contempler ce qui je voyais, je me suis mise à ne pas écouter le texte mais plutôt à entendre ces voix qui l’expriment. Et c’était à partir de cette prise de décision que mon regard a changé pour La Princesse MaleineLa princesse Maleine n’est pas une proposition facile. Ce n’est pas un spectacle où le public sort du théâtre « satisfait » ou pas… (Moi j’ai eu besoin à peu près d’une semaine pour écrire là-dessus. Une semaine pour articuler ce que j’avais vu et les répercussions que ça avait sur moi).
Bien sûr que La Princesse… a un rapport à l’esthétique visuelle et vocale, esthétique et stylisation qui produisent une sorte d’« artificialité ». Néanmoins, le travail est établi principalement sur la recherche d’une musicalité des voix à partir de la parole poétique de Maeterlinck. Là le sens n’est plus important, ni même le but de produire un effet d’artificialité… Au contraire des propositions où le texte occupe normalement le sommet de la hiérarchie artistique (c’est pour cette raison qu’il est « intouchable », voire « sacré »), chez Kirsch l’expression vocale ne se limite pas à vouloir redonner le signifié de la parole, mais devient plutôt un « corps musical » apparemment abstrait qui produit d’autres corps plus concrets (comme le corps humain par exemple). De cette manière, dans sa mise en scène la voix devient un geste poétique qui déclenche d’autres gestes également poétiques. Par exemple, quand le prince Hjalmar meurt, son « oui » répété trois fois s’entend comme une phrase musicale qui produit un geste corporel : celui de mourir.
La Princesse Maleine ne peut pas faire plaisir à tout le monde parce qu’on est tellement habitué au langage merdique, hyper-réaliste, pas créatif du tout de la télévision et du grand cinéma commercial, qu’on devient de plus en plus étranger aux échos de la langue poétique.
C’est dommage que le public et la grande presse n’aient pas compris le geste poétique radicale et courageux, la conception de ce travail chez Pascal Kirsch, ainsi que le travail irréprochable des comédiens Bénédicte Cerruti, Arnaud Chéron, Mattias de Gail, Victoire du Bois, Raphaëlle Gitlis, Vincent Guédon, Loïc Le Roux, François Tizon, Florence Valéro, Charles-Henri Wolff.
C’est dommage parce que le choix de Kirsch de laisser entendre une voix poétique est un engagement tellement fort, et demande tant aux comédiens… C’est évident que beaucoup de gens préfèrent se satisfaire de propositions plus… comment dire… rassurante.