Le casque et l’enclume vs la foi
Le Casque et l’enclume de la Cie TAC-Théâtre se joue du 5 au 24 juillet 2019 au Théâtre des Carmes à 18h50. Une rêverie concrète, utopique et parfois absurde de ce que le théâtre pourrait être et sa résolution abstraite dans une rêverie lointaine.
Le casque et l’enclume de Cyril Cotinaut et Sébastien Davis imagine un dialogue en 68, sorte de conférence ou débat d’intellectuels médiatiques s’imaginant ce que serait le théâtre dans 50 ans, c’est-à-dire aujourd’hui. Se dessine quelque chose comme un coup de gueule à tout ce théâtre contemporain, commercial ou faussement politique qui résonne fortement au milieu de ce festival. Cela va des prix des places, au spectateur bourgeois qui va voir une pièce à cause d’un comédien connu qui joue dedans – « pratique par excellence d’une pratique bourgeoise du spectateur », jusqu’à ce théâtre qui veut changer le monde, mais que c’est très bien qu’il n’y arrivera pas, car s’il y arrivait, il ne pourrait plus vouloir changer le monde car le monde sera changé. « Ce qui importe c’est la direction, c’est l’intention. » Cela frappe évidemment directement la réalité de la majorité des productions actuelles où toute note d’intention se dit vouloir changer quelque chose ou s’attaquer à une question politique. Et on se doute que là aussi, « le changement c’est maintenant » est une manière de continuer la même chose tout en se donnant bonne conscience ou bonne valeur marchande. Et voir qu’aujourd’hui même, le 17 juillet, une conférence dans le village du off s’appelant sans ironie, La culture changera le monde, organisé par le think tank – c’est-à-dire un tank de pensée – altair. Il ne faut pas chercher loin le contre quoi ils veulent faire la guerre.
Dans Le casque et l’enclume, Vilar est traité de fasciste et le Festival IN comme l’outil par excellence de l’uniformisation du monde et de l’assujettissement des cultures diverses à la culture bourgeoise. Mais on n’est jamais réellement sûr où ces deux cultureux de 68 se positionnent politiquement. Ils passent par tous les bords, et au risque d’idéaliser ou de parodier une liberté de parole de 68, la Cie TAC Théâtre permet de fabuler avec cette pièce simple et divertissant sur des utopies et dystopies concrètes de ce que pourrait être le théâtre, sa politique culturelle et son marché (qui n’existera plus ou sous des formes jusqu’ici inconnus). Ils frôlent le mauvais goût et un certain narcissisme quand le discours devient réflexif sur leur propre situation dans le champ professionnel, mais une ironie très drôle ne nous laisse pas à un apitoiement sur eux-même.
Demeure la fin, où tout à coup toutes ces utopies concrètes, lesquelles permettaient de proposer un théâtre gratuit ou un théâtre sans spectateur avec un acteur face à lui-même, un théâtre où il fallait payer les spectateurs, où l’on voulait réduire les salles à 100 places et où l’on choisissait les spectateurs au hasard et tirés au sort, et où l’on monterait des pièces de théâtre de la même manière, où tous ces utopies et rêveries concrètes qui s’attaquaient avec le plus concret et matériel des moyens au fonctionnement de notre théâtre actuel se résolvaient tout à coup dans un idéalisme ou une transcendance d’un temps lointain. « Aime ta foi, aime ta misère. » C’est alors la patience d’attente d’un monde sans hommes – dans 200 000 ans – où les questions posées pendant plus d’une heure n’auront évidemment plus de sens, où le mot « sens » n’est plus possible d’être articulé, c’est l’attente de ce monde qui console alors des labeurs difficiles et des actions qui nous mettent devant nos contradictions. La puissance du réel est alors avalée par un au-delà, qui peut nous consoler, mais qui nous ôte en même temps toute puissance d’action aujourd’hui. Et si on en finissait avec la foi…