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Le rire facile et stéréotypé à propos du « grandir »… – L'!NSENSÉ
Bienvenue sur la nouvelle scène de l'!NSENSÉ
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Le rire facile et stéréotypé à propos du « grandir »…


 
Le « grandir » et « vieillir » mériterait un regard plus sensible, plus attentif…
La but de Les Grands est demettre en scène le conflit de trois générations afin de révéler leurs différents enjeux et points de vue. À travers un dispositif scénographique qui encadre un jeu de scène plutôt narratif, les trois adultes (la quarantaine) sont accompagnés, chacun, d’une version « enfant » et « adolescent ». Ainsi chaque trio adulte-adolescent-enfant porte des costumes et des coiffures identiques pour renforcer l’idée de « trois présences dans le temps qui se répondent et se complètent » (phrase retirée du programme du spectacle)…
Bien entendu que le sujet de Les Grands est intéressant puisque d’une manière ou d’une autre on vit toujours dans un rapport à la mémoire personnelle. Celle-ci concerne précisément ce mouvement simultané de voir « l’enfant et l’adolescent que l’on a été », de se rendre compte de ce qu’on est devenu, ainsi que d’imaginer notre « avenir »… Tout cela se mêle, de manière schizophrénique, en produisant des strates qui transitent entre l’angoisse de ce qui arrivera, la dépression de ce qui est déjà arrivé et la sensation de « vide » du présent… Le sujet de la mise en scène se révèle donc très pertinent parce qu’il ne s’agit pas d’un conflit « extérieur », entre générations père et fils par exemple, mais plutôt d’un conflit « intérieur » de et avec soi-même, à différents âges.
Alors, c’est vrai que la dramaturgie, la mise en scène et le jeu des comédiens permettent qu’on arrive à certains moments intéressants pour les spectateurs. On peut s’amuser de ces situations… Cependant ce qui pourrait être une sorte de « comédie réflexive » légère, devient sur le plateau une entreprise qui tend vers le rire facile destiné à tous les publics, voire tout simplement une tentative de « toucher » le regard du spectateur au travers la présence d’enfants mignons, de scènes qui ressemblent parfois aux « séries américaines de comédie romantique », et de processus d’interactions un peu plats qui sollicitent le public…
C’est dommage parce que l’enjeu de prendre de l’âge est beaucoup plus complexe que celui proposé dans le spectacle. Le « grandir » et « vieillir » produit une dialectique qui mériterait un regard plus sensible, plus attentif.
Il y a, par exemple, un dialogue qu’un adulte dit dans sa version jeune, et qui évoque le « devenir adulte » qui passe par le fait de quitter ses parents, ainsi que d’éprouver le plaisir de conduire sa propre voiture…
Bon, on sait bien que de plus en plus les jeunes adultes connaissant de nombreux problèmes pour avoir un chez soi, en raison de leur situation financière compliquée… On ne peut pas oublier les enjeux sociaux de l’actualité, comme le nombre croissant de chômeurs, la grande demande des aides sociales et des logements sociaux, la pension de plus en plus insuffisante des retraités (ce qui oblige les jeunes à aider leurs parents et grands-parents). On ne vit plus de la même façon que dans les années 1970… Et ces gens qui habitent toujours chez leurs parents, ne sont-ils pas vraiment d’adultes ?! Et les autres qui n’ont ni permis de conduire, ni leur propre voiture, qu’est-ce qu’ils sont alors ?! D’évidence, il y a là des faits sociaux qui réinterrogent nos rapports au monde et à son organisation.
Il y a également, dans la mise en scène de Chaillé, le moment du premier baiser, l’inquiétude des adultes quand ils prennent conscience qu’ils vieillissent, la politisation de leur fille adolescente etc. etc. etc., mais malencontreusement, la mise en scène de ces thèmes n’est pas développée.
A terme, on peut ainsi s’interroger. Peut-être que la façon dont Les Grands traite de ces passages d’un âge à un autres, ne révèle que le regard d’un type de personnes, celui qui appartient à la classe bourgeoise. Et de commencer à envisager, alors qu’il y a un autre sens… au NOUS. Le « Nous » de la classe bourgeoise qui, ici au festival d’Avignon, est en nombre… Peut-être alors que cette pièce ne s’adresse qu’à eux, leur parle d’eux, exclusivement à eux…
Bien sûr, l’art n’a pas besoin de problématiser tous les problèmes sociaux du monde, mais le regard que l’œuvre d’art porte au monde se révèle dans les détails. Malgré tout, les moments plus sensibles et intéressants de cette mise en scène correspondent aux silences. Notamment ceux qui accompagnent les esquisses de mouvements, les gestes, les moments chorégraphiés. Dans ces instants là, on y voit la différence entre les corps, on y remarque le lien de passage entre les grands et les petits. C’est peut-être parce que le silence peut parler à tous, qu’il est une langue commune, plus que les bavardages de classe.