Macaigne propriétaire des Carmes
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« I Destroy, I destroy, I destroy » lançait Angelica Lidell dans le Cloître des Carmes l’an dernier. Vincent Macaigne, qui occupe le lieu aujourd’hui, pourrait bien avec Au moins j’aurai laissé un beau cadavre faire écho à ce cri de guerre où les « words, words, words » d’Hamlet sont balayés. Scandale ? Le petit Prince a trouvé à qui parler… Pas certain toutefois que ça parle à tout le monde… même au bout de 3H40, avec entracte.
Portrait pour rires
Dans la file de spectateurs qui longent le Cloître des Carmes pour pouvoir assister à Au moins j’aurai laissé un beau cadavre, une jeune femme distribue des tracts pour un Hamlet qui se tiendra dans le Off. Il s’agit d’Enquête sur Hamlet, librement inspiré de l’essai de Pierre Bayard qui ajoute, au titre ci-dessus, la mention « le dialogue de sourds ». Je souris des arguments qu’elle donne. Si elle savait[1]…
Vincent Macaigne, lui, n’aura pas eu à tracter, précédé par sa réputation de jeune homme entretenant un rapport très libre aux textes qu’il choisit de mettre en scène. Les raisons de l’affluence du public pour ce nouvel Hamlet pourront ainsi se répartir entre ceux qui savent et ceux qui ignorent à quoi ils vont être exposés. De son Idiot emprunté à Dostoïevski, on avait pu sortir meurtri de la représentation qu’il se faisait du Prince Mychkine déambulant dans un bordel scénique et sonore. De la série des 3 Requiems, plus ou moins inspirée de Richard III, la lecture de la critique et de la presse entretenait l’idée que ce trentenaire, à l’aise dans l’écriture, ( acteur aussi), clivait les spectateurs et, in fine, ne laissait jamais indifférent. Au point que le chouchou qu’il peut incarner pour les uns (Thibaudat demandait à suivre et soupçonnait un talent à venir), peut aussi perdre son auréole de libertaire éclairée. Par blogs interposés, une ruade franche d’Armelle Héliot répondait au tribun de « Rue 89 » et envoyait bouler le « prodige » du côté d’une esthétique « pompier », d’un « bourgeois épaté par lui-même », d’un geste marqué par « la faiblesse artistique, sensible, intellectuelle ». Figaro avait parlé.
Macaigne suscite donc des dialogues critiques puisque soutenu par un ministère qui doit sans doute aimer l’idée d’un théâtre de texte et de répertoire (l’Idiot, Hamlet, adaptation libre de Richard III) ; visibles à Chaillot, aux Bouffes du Nord, à la Ferme du Buisson… ; soutenu encore par le CDN d’Orléans qui coproduit cet Hamlet qui est un « appel à la révolte » inscrit dans un « théâtre du débordement et de l’excès », « drôle et tragique », « inventif parfois outrancier, mais dont les images sont fulgurantes »…. Macaigne, donc, est le résultat du politique (le ministère), de l’économie culturelle (les programmateurs) et de la profession (soutien de quelques beaux lieux). Quant au public, il hérite de ces stratégies et se retrouve à faire la queue vers 21H00, patientant et lisant la presse festivalière où il lit avec attention les déclarations du « jeune homme ». Citations à propos du titre : « Au moins j’aurai laissé un beau cadavre, je l’ai choisi pour des raisons intimes, et parce que c’est joli. Cela parle bien de Hamlet, de sa fin et de son trajet. Un trajet naïf, presque bête. Ça raconte l’idée d’aller vite. Car chez lui, il y a une urgence de vie, pas de mort. En fait il commence assez mort, et il se reconstruit dans la haine et la colère. Avec le spectre, c’est comme s’il avait trouvé une excuse à la violence. Un jeune de 16 ans qui se trouve une excuse et devient dangereux ». Et s’il sait que Macaigne a fait le conservatoire, il découvre aussi la touche biographique, indigne du Lagarde et Michard, mais tellement prisé par l’époque : « ça m’énervait qu’on me dirige… Quand on faisait Rimbaud en cours, je n’étais pas fort dans l’explication. C’était comme si on me demandait de dire un mensonge ».
Le « Joli » et le « mensonge » (c’est moi qui souligne) sont ainsi les formes synthétiques du jugement chez Macaigne. Pour le premier, indice d’une sensibilité avouée. Pour le second, réaction à l’institution, insinuation de corruption du sujet par les maîtres… ou un énième procès fait à l’école. Ce qui, soit dit en passant et en insistant, commence à m’emmerder franchement, quand je pense que toutes ces « petites têtes blondes » comme le dit l’expression qui ne tient guère compte du métissage d’aujourd’hui…. Quand je pense donc, que ce public encadré est déversé dans les théâtres toute l’année.
Mais revenons au « joli » et au « mensonge » qui, pour un champion de la critique génétique, s’entendent comme les mots articulés sur le divan d’un analyste. « Joli » ne désignera pas le dérivé d’une catégorie du beau. Non, « joli » signifie « sensible », « émouvant », « attractif ». Soit les qualificatifs qui correspondent au registre de la séduction dont Aristote expliquait que c’est à part entière un mode d’argumentation, même s’il préférait celui établi sur la dialectique ou la raison. Quant à « mensonge » qui s’oppose a priori à « vérité », l’analyste pourrait encore entendre à cet endroit l’aveu d’une liberté à reconquérir. Ou, et c’est plus intéressant, un mot qui dévoile le projet de redonner au sujet son droit de parole. Sa capacité à « couper la parole ». C’est d’ailleurs moins la « vérité » que cette recomposition d’un sujet décomposé qui est le propre du geste de Macaigne.
Dès lors, faire du théâtre chez Macaigne, au moment où j’achève la lecture de la presse festivalière et m’installe au dernier rang (ce qui ne me protégera de rien), procède vraisemblablement de ces aspects où l’effet sensible et la parole retrouvée gouvernent au projet de mise en scène, au choix de ce metteur en scène. Ce qui, pas un ne le contestera, correspond à des qualités essentielles chez un créateur ; qualités partagées par tous les créateurs puisqu’ici, il est question d’appropriation.
Or, à cet endroit où la législation ne peut rien, le débat s’ouvre, car si Hamlet de Shakespeare induit un premier propriétaire ; Macaigne, lecteur de Shaskespeare, n’en est que le locataire. Ergo, il faut alors faire un état des lieux….
Hamlet : petit état des lieux.
Ainsi l’interprète d’Hamlet est toujours un locataire de l’œuvre qui, plus ou moins habilement, occupe intelligemment l’espace du texte. Car La Tragique histoire du Prince de Danemark Hamlet est avant toute chose un texte dont Maeterlinck, Goethe, etc… prétendaient qu’il y avait là un Lesebuch, un livre de lecture, qui se suffisait et n’avait d’aucune manière besoin de la scène. Aussi, il faudrait avant toute chose savoir ce que ce texte dit, ce qu’il raconte, ce qu’il met en jeu. Sous les formes les plus imprévisibles, universitaires et poétiques, Hamlet aura été l’objet de tous les commentaires et de bien des réécritures. Les citer ici est impossible et toutefois quelques-unes demeurent en mémoire, comme lorsque Louis Aragon, dans Théâtre/Roman écrit en guise de commentaire : « Hamlet en rentrant jamais n’oubliera d’acheter de l’eau minérale à l’épicerie. Vous n’auriez pas de l’Ophélie en poudre mais de l’américaine ». Ou Heiner Müller qui, dans Hamlet-Machine, écrit « Something is rotten in the age of hope ». Soit une parodie de la « pourriture du Danemark » qui est étendue au principe espérance. Ou Mallarmé, qui crayonnant énigmatiquement mais fabuleusement écrit à propos du prince qu’il est : « L’adolescent évanoui de nous aux commencements de la vie et qui hantera les esprits hauts ou pensifs par le deuil qu’il se plaît à porter, je le reconnais, qui se débat sous le mal d’apparaître : parce qu’Hamlet extériorise, sur des planches, ce personnage unique d’une tragédie intime et occulte, son nom même affiché exerce sur moi, sur toi qui le lis, une fascination, parente de l’angoisse. […] mais avance le seigneur latent qui ne peut devenir, juvénile ombre de tous, ainsi tenant du mythe. […] Toute la curiosité, il est vrai, dans le cas d’aujourd’hui, porte sur l’interprétation, mais en parler, impossible sans la confronter au concept. L’acteur mène ce discours […] L’œuvre de Shakespeare est si bien façonnée selon le seul théâtre de notre esprit, prototype du reste, qu’elle s’accommode de la mise en scène de maintenant, ou s’en passe, avec indifférence ». Le lecteur pardonnera la longueur de ces citations prises à quelques-uns des poètes que l’on relit toujours.
Parler d’Hamlet, c’est toujours s’inscrire dans un débat sans fin, dans la convocation de la pensée des uns et des autres, préférer tel à tel, Deleuze à Freud, Derrida à Bayard, Brecht à Dower wilson, Butel à tous, etc.
Pour l’obsessionnel (j’avoue en être), c’est sans cesse tomber sur une nouveauté (c’est-à-dire avoir la révélation de sa propre ignorance) et entrer dans une histoire du théâtre qui, si elle devait commencer avec le début du XXème siècle, nous tiendrait en haleine le temps d’une vie jusqu’au moment où rejoint par la mort, nous serions comme ce personnage de Borgès devant une porte et un million de clé, les essayant chacune dans la serrure, sans pouvoir entrer. Aussi, ce n’est pas le manque d’arguments qui nous privera d’un exposé solide, mais le manque de temps qui nous conduira à préférer, à élire, à exclure.
Disons alors, simplement, qu’un texte, quand en liberté nous nous en saisissons, nous impose de le lire « pas à pas » comme disait Barthes. Et ainsi, d’en étudier chacun des mécanismes, chacun des rouages, chacun des écueils et chacune des résistances jusqu’à ce que la logique nous permette de nous écarter du symbolique, du subjectif, du projectif. Et, parce que l’acte de lecture est réglé sur un commandement éthique, faire que la lecture soit exclusive et ne porte que sur le texte, sans y ajouter de périphériques biographiques, historiques, sociologiques, etc. Adopter ainsi une sorte de geste qu’il conviendrait d’appeler « lecture pauvre ». C’est-à-dire, une lecture débarrassée de tout ce qui n’est pas le texte.
« Ethique de la lecture étique » donc afin de substituer à l’interprétation le seul horizon qui nous préserve de l’approximation : la compréhension. Il faut bien une vie pour ça comme le signalait Mallarmée, avant que le texte n’élève sa voix et vous délivre ce qu’il dit.
« Apprenez à lire ce texte » dit Hamlet aux comédiens.
L’ayant lu, au prétexte de cette critique, il m’importe alors de vous livrer la seule lecture qui s’imposait, le moment où la voix du texte se mit à résonner. Voici :
Hamlet est la pièce où le pouvoir de la langue s’oppose à la langue du pouvoir.
Et d’avouer que le lecteur (ce locataire) est donc toujours potentiellement, un accédant à la propriété que le propriétaire peut lui refuser. Soit, pour en finir avec cette métaphore immobilière, les enchères (les autres lectures), le droit du vendeur (le texte) sont des concurrents sérieux, toujours pris au sérieux, qui font qu’en matière de lecture, certains campent sur leurs positions. Toutes les lectures se valent. La démocratie, dans le champs des théories littéraires et théâtrales, ayant adopté la règle de la polysémie.
A ce compte-là, Galillée n’aurait toujours pas raison, et Benoït XVI enseignerait l’astrophysique pour en démontrer la bêtise, dans les universités créationnistes du Texas.
Mais ne courons-nous pas tous le risque d’être des Benoït XVI ?
Bref, si Hamlet est ce que nous disons, alors regarder les mises en scène de Carmelo Bene, celle de Castellucci, celle de Nekrosius, celle de Vitez, celle de Brook, celle de Zadek, celle de Chéreau, celle d’Ostermeier, celle d’Enrique Diaz, celle de Grüber… se ferait en oubliant que le texte est à la mise en scène, ce que l’amour est à la vie. Important, mais finalement accessoire. Eternel, mais en définitive temporel.
Et de concéder, donc, que la mise en scène est un lieu à part, « from page to stage » disent les anglais, où le texte mis à l’épreuve, n’est pas la seule preuve qu’avance le théâtre.
Au Théâtre du Jeu de Paume, à Aix-en-Provence, alors qu’Ania (étudiante polonaise) fait une proposition de jeu sur un passage d’Hamlet dont nous avons travaillé la dramaturgie, je la regarde qui tourne sur elle-même, les joues gonflées et tendues. Elle finit par vomir un jet d’eau qu’elle contenait. Sceptique, « pourquoi ça ? » lui demandais-je ? Elle me répondit : « en Pologne, dans mon pays, nous avons un proverbe : « nabra wody w usta ». ça veut dire « remplir la bouche avec de l’eau. C’est une expression pour dire que quelqu’un se retient de parler ou de dire quelque chose. Il s’obstine à garder le silence. Mais c’est pas possible ». Ou le comédien, le théâtre, le jeu…
Macaigne propriétaire des Carmes
C’est Emmaüs qui a installé ses stands dans le cloître, sous les arcades, où désormais le mobilier de « récup », l’éclectisme des vitrines qui racontent les faillites professionnelles et les déveines familiales (tous finiront sur la paille, à poil), les objets de tout poil (vase, bibelots, machins et trucs), les distributeurs de boissons américaines et de café pas bon… voisinent avec les drapeaux français et danois qui auraient été mis au rebut. C’est éventuellement et aussi un chantier où, en surplomb d’une aire de jeu gazonné, une fosse septique ou une tombe inondée ornée d’une croix de bois et de deux crânes… des cabines ageco blanches sous-entendent que quelque chose est en construction, en reconstruction. C’est peut-être tout simplement un terrain de fouilles. Macaigne fouillerait Hamlet, lui ferait les poches, le questionnerait histoire de mettre à jour quelque chose. C’est encore un terrain vague ou un champ de bataille, avec sa gadoue, ses trous d’eau… Ou un espace underground, où dès l’entrée dans le cloître, le spectateur se retrouve devant des figures grunch qui chauffent la salle. C’est un no man’s land, et plus tard, à l’endroit de quelques épisodes de cet Hamlet, Disneyland, le club Dorothée ou le club de la plage quand Elseneur se gonfle comme un boudin. C’est aussi la cour des miracles (panneau fluo sur les ageco : « Il n’y aura pas de miracles Ici). « miracle » avec un « s » René. Merde, l’orthographe et la sémantique[2]…
C’est Au moins j’aurai laissé un beau cadavre, et c’est de fait un paysage cadavérisé, un paysage en ruines, une déchetterie, une zone urbaine dévolue au logement des sans abris où les arcades se regardent aussi comme les dessous des ponts qui sont les HLM de la débine et des clodos. Le Hamlet de Macaigne plante le décor et s’agence sur le modèle du SDF. Sans Dramaturgie Figée. Ça va « watter » de toutes parts, ça va déchirer à fond la caisse.
En rang d’oignon dans la cabine ageco éclairée comme une cabine à bronzer (un abri anti-atomique dit l’un) on attend le marié. L’acteur est là devant un micro. Figure contrite, genre speakerine meublant le temps d’antenne. Et Claudius d’arriver, par les travées de la salle, déguisé en banane parce que c’était pas une fête pour « dépressif », et qu’on avait dit qu’on se déguiserait »… Gueulante de Claudius, crise de nerf ou abus de pouvoir, injures modernes hors chef d’œuvre… le ton est donné et le premier rang commence à être arrosé de gerbes d’eau boueuse et de tout ce qui volera : confettis, gadoue, serpentins… Eux ont une bâche plastique qu’ils remontent sur leur costume de soirée et ignorent qu’ils jouent le Hamlet-Machine de Corinna Harfusch. Solo impressionnant de l’actrice aux prises avec un plastique constricteur, solo vu dans la dernière action de l’Académie Expérimentale des Théâtres.
Expérimental sera le mot de ce Road Movie qui partage avec Ginsberg la violence, la sexualité, les images hallucinées, la véhémence et l’injure, etc. Y a du Orange Mécanique dans tout ça. Il s’agira d’une messe noire, d’une farce brutale, d’une « bonne petite fête d’ultra-violence » comme dirait Alex. Y a du Tambour dans la dégaine d’Hamlet qui ressemble à Oskar bien plus qu’à un légume de l’école des fans avec Ophélie et Hamlet : « j’ai 4 ans… ». Donc, Oskar, avec en guise de jouet un pistolet qui tire des balles et de la haine dans les poches qui sont autant de billes qu’il va jouer contre son beau-père…
Macaigne ira jusqu’au bout du manque de « re-spectre » au texte de l’anglais qu’il troue d’une langue désacralisée, qu’il augmente de bruits, de bégaiements, de textes inventées au mieux vulgaires aliénés à des pudeurs révélées sur le mode de confidence glauque. Au pire, en feignant des engueulades entre acteurs et régisseurs : la vie normale d’une compagnie qui fait du théâtre quoi. Et néanmoins, parfois, le verbe shakespearien revient comme un revenant.
Et pour autant que la langue est hors d’œuvre, faite de raccourcis et d’ellipses, de syncopes et d’absences, d’actualisations inattendues et d’une modernité confondante, Vincent Macaigne parcourt Hamlet, en saisit la puissance et, parfois la finesse des mécanismes.
Si la langue est donc absente, l’œuvre elle, est présente. Et d’entendre les comédiens ajouter leurs commentaires dépréciatifs sur ce qu’ils font, ajoutent malmènent, torturent, brisent… « c’est nul ça. C’est con merde »… Mais, et simultanément, les examiner dans l’énergie, la force, l’irradiation d’une idée qu’il faut accoucher, en en crevant l’abcès.
Alors il y aura bien les noces et la fête, lieu de l’assise d’un pouvoir à mettre en place. Il y aura bien la morgue d’Hamlet et le courroux de Claudius. Il y aura l’amour d’Ophélie et la folie de la laissée pour compte. Il y aura le théâtre dans le théâtre et le meurtre du frère, et brutalement, à 1H20 du matin, alors que les fossoyeurs n’ont pas fait leur œuvre, que la passe d’arme verbale et bientôt le duel qui devrait donner raison au Prince n’auront pas lieu, que la mort de Claudius est le couronnement du prince mort, etc… que des tas de mots et de scènes ont été greffées, que le comédien « Roger » (pure invention de circonstance) a des minutes essentielles qu’il gaspille en évoquant son « divorce avec Nadine », bref, qu’il y a du trop, du plus, de l’accessoire, de l’inutile… Macaigne coupe. Noir. Fin.
C’est que l’enjeu n’était pas dans la restitution de scènes attendues et connues. C’est que chez Macaigne, ce que « vous savez et attendez » ne s’accorde pas avec « ce qu’il cherche » qui relève d’une intensité et d’une densité.
Celles-là, elles auront, ici et là, passé.
Comme le moment où la scène livre le meurtre de Claudius sur son frère. Scène excessive faite de percussions sur un corps à terre dont les coups rebondissent dans le son funèbre d’une Fender Stratocaster, sur une bâche blanche aspergée de sang, inondée de sang… Scène interminable qui dit la radicalité du geste, la décision infernale où se dessine dans la durée, à la fois le meurtre mais, et parce que le meurtrier n’en finit pas, dit aussi l’impossibilité de se séparer du frère. Scène sadienne où l’excès dit l’impossibilité : l’interdit transgressé qui hantera la conscience et l’histoire.
Celles encore de Claudius, nu toujours, qui déambule, baise Gertrude comme Ophélie, et confesse. C’est Stavroguine le malsain, le pourri, le condamnable, l’humain aussi en quête d’une rédemption inatteignable mais d’une conscience qui s’explique. Et Macaigne d’être, à ces endroits, doué de la connaissance de ce que peut livrer un plateau et un acteur.
Etc…
Non, ce n’est pas le Hamlet de Shakespeare. Oui, c’est le Hamlet de Macaigne. Non, ce n’est pas le texte de l’élisabéthain. Oui, c’est une partition folle d’aujourd’hui. Oui, c’est stupide, parfois con et contestable, mais jamais sans intérêt. Et dans l’histoire du théâtre, ça ne nous ramène pas 40 ans en arrière (Armelle, svp.), mais bien plus loin, en 1894, le jour où Jarry inventa UBU. Le jour où le théâtre s’ouvrit à la Pataphysique dont Macaigne est l’un des membres du Collège.
[1] Cette note doit éclairer le lecteur sur un indice qui pourra peut-être justifier la critique qui va suivre. Un, si je souris, c’est que la jeune personne ne sait pas que j’ai écrit pour le Magazine littéraire de ce mois de juillet un billet sur le texte de la pièce que Dominique Paquet produit au théâtre Le Petit Chien. Deux, universitaire curieux de l’aporie qu’est Hamlet, j’ai moi-même écrit un essai en réponse à celui de Dower Wilson & co. Ce livre : Vous Comprenez Hamlet ? L’effet de cerne II, préfacé par Jean-Pierre Leonardini, est aux antipodes du travail qu’a fait Vincent Macaigne. Ça ne change rien à l’intérêt que l’on peut porter à l’un ou à l’autre.
[2] Se reporter à l’édition de Libé, Avignon 2011, page 8. On a déjà du mal à y croire, c’est toujours mieux avec un pluriel.
Du 9 au 19, à 21h30 Cloître des Carmes