Sacré Off !
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Dans la vieille rue des Teinturiers, où le monde avignonnais circule difficilement, il faut se frayer un passage pour arriver jusqu’au petit théâtre de l’Albatros. Là-bas, toute la journée, les spectacles s’enchaînent. A 18h30, tous les jours jusqu’au 23 juillet, le public peut se risquer à découvrir « Cecilem le Cinéma ! », un concert-spectacle mis en scène par Michel Vivier. Point de cinéma au programme de ce concert d’1h15 mais bien de la chanson. Variété.
Au dos de la petite carte de publicité, Cecilem est présentée comme une artiste qui tourne en France et à l’étranger : plus de 850 concerts nous dit-on. Elle est aussi l’auteure d’une B.O. : celle du dernier film de la comédienne-humoriste Isabelle Mergault, Donnant, donnant. De souvenir, le site internet précise que la jeune femme a vendu plus de 15 000 albums… Bref, de quoi assoir la légitimité de l’artiste dans le paysage culturel.
Sur la scène de l’Albatros, ils sont trois : Cécile au piano et au chant, Alain Richard à la batterie et François Muguet-Notter à la guitare. Quatre avec l’écran de cinéma qui couvre le fond de scène.
Si Cécile aime le cinéma, malheureusement le cinéma ne le lui rend pas. Les six/sept séquences filmées qui ponctuent le concert fonctionnent en interaction avec l’instant T de la scène. Un dialogue au sens propre s’installe entre les trois compères et leurs doubles présents à l’écran : les musiciens interpellent leur image et vice versa. Au tout début du spectacle, point d’image, juste des voix off cacophoniques qui finissent par lancer un « Action ! » : vous aurez compris que c’est ici le début du concert…
Construit sur l’alternance entre les morceaux, les intermèdes parlés-joués et les séquences filmées, le spectacle essaye vraisemblablement de naviguer entre les trois arts que sont la musique, le théâtre et le cinéma. Mais est-ce bien raisonnable ? Dynamiser et rendre un concert divertissant est une volonté tout à fait honorable mais devient suicidaire lorsque l’on nie et ignore les enjeux esthétiques propres à chaque médium. Est-ce bien raisonnable de mettre, sur scène, un fauteuil de réalisateur qui regarde vers l’écran en forme de pellicule alors qu’une boîte à fumée crache de minuscules cumulus de brume ? Est-ce bien raisonnable de faire couler des bulles de savon pour imiter la neige, de montrer l’image d’une femme seule dans la rue pour parler de la solitude, de mettre un képi pour jouer au flic pagnolesque, de s’absenter de scène pour montrer à l’écran l’arrière du théâtre afin d’illustrer la mise en abyme ? Est-ce bien raisonnable ?
Auteure, compositeur et interprète, Cecilem est certainement une artiste à la sensibilité généreuse. Sa voix est cristalline, puissante, monte facilement dans les aigus. Incontestablement, elle sait jouer du piano – non pas debout mais assise – et chanter en même temps. On la sent, en revanche, moins à l’aise sur les interventions parlées et les sketchs qui laissent percevoir son émotivité… Quant à ses musiciens, lorsque le piano (clavier) n’est pas omniprésent, ils se défendent plutôt bien avec leurs instruments respectifs. Se dégage de tout ça un son variété qui alterne chansons sautillantes, enlevées et mélodies douces. Le set est construit selon un enchaînement de chansons thématiques sur l’amour, la solitude, la liberté, la région d’enfance, la nature, la guerre, les femmes battues, l’autodérision physique, l’artiste aux prises avec les médias…
L’écriture est particulièrement travaillée mais reste classique, ignorant des effets poétiques modernes, oubliant de creuser le langage… Vous écouterez donc, avec Cecilem, des chansons qui sont presque toutes écrites en rimes – croisées, embrassées, pauvres, riches… – et qui racontent, bien sûr, des histoires…