Cette page requiert que JavaScript soit activé pour fonctionner correctement. / This web page requires JavaScript to be enabled.

JavaScript is an object-oriented computer programming language commonly used to create interactive effects within web browsers.

How to enable JavaScript?

Tragédie : La Marche du Ballet d’Olivier Dubois – L'!NSENSÉ
Bienvenue sur la nouvelle scène de l'!NSENSÉ
illustration article

Tragédie : La Marche du Ballet d’Olivier Dubois

Au cloître des Carmes, du 22 au 28 juillet, Olivier Dubois propose « Tragédie » dans le cadre du 66ème Festival d’Avignon. Une aventure chorégraphique de l’humanité pour 18 danseurs. Ce spectacle est le troisième volet du triptyque composé de « Révolution » et « Rouge ». Une trilogie comme une devise ou comme un étendard que Dubois expose pour faire entendre « le sombre hurlement de la Résistance ». Trois créations qui forment une « étude critique pour un trompe l’œil ». Olivier Dubois est venu à la danse à 21 ans et cette échappée vers la danse n’était « pas négociable ». Il travaille comme danseur pour notamment Laura Simi et Damiano Foa, Karine Saporta, Angelin Prejlocaj et plus récemment avec Jan Fabre ou Sacha Waltz. En 2006, dans le cadre des Sujets à vif du festival d’Avignon, il compose « pour tout l’or du monde » qui dit-il le fait naître comme auteur. Il revient à Avignon pour Tragédie.
Un plateau nu, noir, quadrillé, à ciel ouvert. Un son sourd, une explosion étouffée et résonnante qui ouvre le spectacle. Cette sonorité martelée tout au long du spectacle sera le tempo imposé aux interprètes. Mais le son de ce métronome sera en évolution dans des nuances imperceptibles qui donneront à ce rythme une couleur musicale en adéquation avec la partition des danseurs. Dans un contre jour, une première danseuse entre du fond de la scène, elle est nue. Elle marche jusqu’au front de scène puis se retourne et disparaît derrière les arcades du cloître. Une autre danseuse prend le relai, puis un autre. Ensuite c’est un danseur. Toujours le même geste : la marche, toujours le même protocole, du fond de la scène à la face jusqu’au retour au fond. Le demi tour effectué par l’ensemble des danseurs est stylisé. Mais très vite, les entrées se font par trois, par deux. De fronts chacun dans un couloir, ils avancent au même rythme, au même pas. Olivier Dubois réussit à travailler sur ce mouvement unique et répétitif, en cassant la monotonie par un arrêt, une rupture dans le mouvement qui sitôt mise en place est rattrapée par la mesure et son battement. Cette première partie met en lumière les 18 interprètes. Leur nudité permet à leur singularité de se dégager. Ce qu’appelle sans doute de ses vœux O. Dubois quand il explique vouloir montrer : « plus une sensation du monde qu’une pièce chorégraphique. ». Dans cette partie, la marche, le mécanisme, les ruptures n’enrayent pas la machine mais l’a font au contraire rebondir. L’écriture de Beckett n’est pas loin, Quad ou L’innommable par exemple. Mais à l’endroit de Beckett, il y a cet épuisement qu’au contraire Olivier Dubois absout puisque ces danseurs sont toujours vifs et aguerris. Le groupe de 18 danseurs donne une impression de machine, une horlogerie fine qui ne tient qu’à la précision de chacun des interprètes. Ce sont à la fois des guerriers aux ordres mais aussi une communauté qui s’ordonne à elle même un rythme et une rigueur. Cette « Parade » : premier temps de « tragédie » dessine une humanité en marche sans but où l’ordre et le rythme sont les balises pour tenir debout et se mouvoir. La seule opposition est celle du sexe, femmes et hommes au delà de l’anatomie sont souvent mis face à face, côte à côte.
La seconde partie opère à partir du glissement de la première. Ce sont toujours des marches à l’œuvre mais elles s’organisent dans d’autres directions. Par un glissement, les interprètes effectuent des arrêts sur images comme autant de statues. Celles qu’on trouve à la Villa Médicis à Rome par exemple. Ils sont toujours dans une chorégraphie très codifiée, très écrite. Une façon dit Olivier Dubois de chercher une liberté à partir de codes et de contraintes fortes. Les images renvoient à une antiquité, à l’histoire du monde. Ou plus exactement à l’histoire de la civilisation occidentale appuyé sur les mythes grec et romain. Cette partie nommée « Episodes » donne à voir les images d’un passé des corps glorieux loués par l’antiquité et repris par la Renaissance. La troisième partie elle participe d’une chorégraphie qui est plus spectaculaire. Toujours dans un rythme de douze temps : « douze pieds comme les alexandrins » nous informe Dubois, la marche fait place à une chorégraphie souvent frontale. Cette danse emprunte à la fois à West Side Story la confrontation des jeunes filles portoricaines face à leurs « frères » et à la fois aux chorégraphies de Claude Brumachon, dansl’énergie et les ruptures expressionnistes. Mais c’est efficace, 18 interprètes dans une chorégraphie millimétrée, une minutie, une énergie qui voit une production de sueur digne d’un exploit sportif. O Dubois a une agilité à manier l’espace et le rythme. Il construit une chorégraphie qui sait donner à l’assemblée un mode d’emploi reconnaissable tout en le détournant par des micro-ruptures, des petits décalages qui mettent en relief l’ensemble. « Catharsis » est le nom de cette troisième partie, faisant plus référence à un « ravissement esthétique »1, qu’à une « purgation des passions du spectateur par la terreur et la pitié qu’il éprouve devant le spectacle d’une destinée tragique »1.
Dans Tragédie, Olivier Dubois met en scène l’espace et le corps de ces 18 danseurs avec brio, une capacité à proposer un rythme avec l’espace des Carmes où Stéphane Braunchsweig avait failli. Le chorégraphe sait manier, l’espace et la rigueur chorégraphique pour faire de « Tragédie », un ballet esthétique et rythmique. Mais ce travail, à la recherche de l’humanité « immatérielle et philosophique » ne se donne pas les moyens d’être un acte de résistance comme le définissait Deleuze à savoir que l’acte de création est ce qui résiste (politiquement) et qui résiste (dans le temps). L’acte de résister chez Olivier Dubois réside dans une affirmation de soi. Comme il l’explique en s’appropriant la citation de Malraux à savoir l’acte de création c’est « s’affirmer face à l’absolue réalité de la mort ».
1 – CATHARSIS nom féminin
A.− THÉÂTRE. [Chez Aristote (Poétique, VI et VIII)] Purification de l’âme du spectateur par le spectacle du châtiment du coupable. Le châtiment du coupable, voilà l’expiation, la purification, la κ α Ì θ α ρ σ ι ς que le philosophe avait en vue. Pour prendre un exemple, dans la fable d’Oreste, la catharsis consiste dans le châtiment infligé au fils parricide (E. Weil, Ét. sur le drame antique, Paris, p. 157).
1. Purification de l’âme ou purgation des passions du spectateur par la terreur et la pitié qu’il éprouve devant le spectacle d’une destinée tragique. Ce mode d’expression de soi qu’était le théâtre antique permettait, comme le psychodrame moderne, d’opérer une catharsis, une purification de l’âme, une liquidation des complexes (Divin.1964, p. 249).
2. Plaisir éprouvé par le spectateur grâce à la dérivation causée par ces sentiments. ,,Le mot s’emploie toutefois pour désigner surtout le ravissement esthétique«  (Bénac Dissert. 1949).