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Daniel Galera, le Brésil et la question qui reste – L'!NSENSÉ
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illustration édito

Daniel Galera, le Brésil et la question qui reste

 

Daniel Galera : « C’est un véritable Far West qui s’instaure aujourd’hui au Brésil », AOC, entretien 01/06/2019
 » (…) La question qui reste, c’est donc où loger son imagination dans un tel monde ? C’est le plus grand défi des écrivains aujourd’hui.
(…)
Cette question de l’esthétisation de la violence, c’est un écueil ou une opportunité?
On pourrait penser que c’est obscène, que c’est un manque de sensibilité que de chercher à trouver une représentation de la violence qui soit belle. Pourtant, je crois que cette recherche de la beauté est un chemin très prometteur pour la littérature, si elle le fait de manière rénovée. La littérature prend en charge tous ces conflits, toute cette violence, mais elle reste incomplète si elle fait l’impasse sur l’espoir et la beauté. La fonction de l’écriture c’est à mon sens d’élargir de plus en plus notre sensibilité aux autres, à la nature, aux objets… on ne peut pas vraiment mettre de limites sans quoi il n’y a pas de solidarité possible. Or, elle est plus que jamais nécessaire. La solidarité, ce n’est pas se sacrifier pour aider l’autre, c’est une expérience à plusieurs – personnes ou créatures – , elle doit avoir du sens pour celui qui la reçoit mais aussi pour celui qui l’exécute. Et il me semble difficile de pratiquer la solidarité sans se préoccuper de la beauté. C’est un chemin auquel je pense pour l’écriture, prendre un tournant plus documentaire mais le faire vivre avec d’autres styles, d’autres genres.
(…)
Un livre peut être militant, mais tenter de persuader le lecteur a toujours moins de chance de réussir que de le faire sortir des visions binaires, apporter un point de vue étrange et décalé. Faire comprendre l’événement d’une autre façon.
(…)
Il me semble que les victimes des pires violences perdent aussi la possibilité d’avoir recours à l’imagination, de la travailler, tant leurs besoins urgents sont ailleurs. Mais les gens comme moi qui voient la violence tout en étant rarement touchés, parce que j’appartiens à la classe moyenne, nous avons le temps d’y réfléchir, de faire travailler notre imaginaire. C’est même une nécessité pour maintenir en vie la possibilité de l’imagination, qui reste la meilleure arme contre les dérives autoritaires que nous vivons actuellement. Donc, à moins d’en être empêché parce que vous êtes en prison, vous êtes censuré, vous faites face à tellement de stress, de violence, de menace qu’il vous manque le temps et la santé mentale pour écrire, cette situation est une invitation à continuer à imaginer. Parce que la fiction nous permet d’adopter différents points de vue, et peut donc nous aider à imaginer des solutions qui n’apparaissent pas quand on est totalement immergé dans les besoins quotidiens. Face au flot d’informations, à Internet, la fiction peut nous aider à percevoir de nouvelles approches et peut-être même à améliorer un peu les choses… en tout cas elle nous permet au minimum de rester des être humain décents tout au long du processus. »