
21 juillet 2016 - CR!T!QUE
Place des héros…Tableau d’une extinction
Yannick Butel
Il y a ce monde qui n’est pas le monde. Et nous en sommes les héritiers, mais aussi ceux qui le façonnent, avec la mémoire, avec l’oubli, avec la volonté… Les héritiers de Lupa répondent au mort, répondent du mort. Et les 4 h 15 de Place des héros de Thomas Bernhard, données en lituanien surtitré, ponctuées de charges musicales, harmonieuses et déconstruites de Bogumit Misala sont cruelles parce qu’elles rappellent la condition de l’héritage… une conscience. Du The Times is out...

21 juillet 2016 - CR!T!QUE
Lupa, l’expérience d’un effondrement
Malte Schwind
Du 18 au 24 juillet, Place des Héros, dernier texte de Thomas Bernhard, mis en scène par Krystian Lupa. Une expérience qui nous fait toucher l’abîme, sans issue. C’est à partir d’aujourd’hui… que je ne pourrai plus retourner au théâtre sans trembler. Non pas de peur d’aller chez le dentiste comme Artaud le suggérait, mais pour quelque chose qui dépasse infiniment la terreur du dentiste. À partir d’aujourd’hui, je ne pourrai plus retourner au théâtre sans trembler… à cause...

20 juillet 2016 - CR!T!QUE
Jolly et Le Radeau de la Méduse | naufrages ô désespoir
Arnaud Maïsetti
Les moments de seuils sont décisifs. Sortir d’une école, par exemple : entrer dans ce qu’on nomme vulgairement la vie professionnelle, ou plus brutalement la vie active. Passer de l’enfance à l’âge adulte aussi ; de la vie à la mort, de la mort à la vie, de la communauté à la solitude. D’une rive à l’autre. On devine le dessein de superposer ici ces enjeux de seuil – pédagogique et existentiel, intime et collectif – dans le projet de...

20 juillet 2016 - CR!T!QUE
Le linge sale de l’Europe : Place des héros de K. Lupa
Jérémie Majorel
Créé en mars 1988 au corps défendant du président autrichien Waldheim dont le passé nazi n’était plus un secret pour personne, la dernière pièce de Bernhard est sans doute le brûlot le plus implacable qu’il ait écrit à l’encontre de ses concitoyens. La mise en scène de Lupa place le spectateur d’aujourd’hui à un endroit où il lui est impossible de dénier le devenir Autriche de l’Europe (« les Anglais ont aussi leur fascisme [...] / En Europe où que puisse aller le juif / il est partout haï » , est-il précisé) : nationalisme, antisémitisme, catholicisme, pseudo socialisme, capitalisme......

20 juillet 2016 - CR!T!QUE
Ça pouvait marcher… Soft Virtuosity, still humid, on the edge
Antonin Ménard
Imaginer Deleuze, dans la cour du Lycée Saint-Joseph regardant Soft Virtuosity, still humid, on the edge de Marie Chouinard… Non ! Se souvenir de l’un de ses cours, à Vincennes, en 1987, sur « Qu’est-ce qu’un acte de création ? ». En avoir la mémoire partielle, et ne pas avoir oublié ce qu’il disait à propos des arts… Qu’est-ce que faire du cinéma ? Qu’est-ce que faire de la philosophie ? Question et réponse immédiate : c’est « avoir une...

19 juillet 2016 - CR!T!QUE
Fatmeh d’Ali Chahrour | érotique de l’élégie
Arnaud Maïsetti
En regard de l’œuvre de mort qu’élabore patiemment notre monde, les théâtres qui se dressent face à elle semblent si dérisoires. Et pourtant. Si l’art n’efface pas la perte, peut-être peut-il lui répondre. Un peu moins d’une heure entre les murs du Cloître des Célestins aura ainsi levé la force de chanter les morts : et dans ce vieux geste élégiaque qui puise loin dans les temps immémoriaux des hommes, y trouver la beauté d’affronter notre présent. C’est une heure,...

19 juillet 2016 - CR!T!QUE
Nicolas Truong : Encore perdu…
Malte Schwind
Il y a trois ans, Nicolas Truong présentait Projet Luciole. Cette année, il présente Interview et renouvelle son… geste (?) à l’identique. Il y a trois ans, j’ai écrit Théâtre de boulevard : 1 – Les lucioles : 0. Rien à rajouter. Il n’y a qu’à relire : À part un billet d’humeur. Rien à rajouter, car il n’y a rien. Rien à part l’ennui. Quel ennui ! Quelle douleur, quelle souffrance… Quelle torture ! Une heure trente de torture, de prise en otage...

19 juillet 2016 - CR!T!QUE
Liddell em Avignon: em busca da verdadeira beleza
Evelise Mendes
Adentrei ao teatro a poucos minutos do início do espetáculo e, para minha surpresa, a primeira fileira estava quase vazia. Os espectadores tinham medo da grande proximidade física, tinham receio do que lhes pode ocorrer... Sim, desde sua estreia no Festival d’Avignon 2016, havia um murmúrio nos bastidores sobre o trabalho (geralmente quem o tinha visto era o amigo do amigo): de que era forte, de que havia a famosa cena do polvo, de que a encenadora havia ultrapassado os limites, e blábláblá... Já havia igualmente lido algumas críticas na internet a respeito. A maioria tratava a artista como louca, doente, neurótica, que seu trabalho era de mau-gosto, e blábláblá de novo... Confesso que tive receio do que me esperava. Ao final de 5 horas (com intervalos), saí do teatro com a certeza de ter visto uma artista no auge da sua maturidade estética e ideológica. Sim, Angélica Liddell é mulher-artista-espanhola, e ela assume com muito orgulho esse papel de figura bufonesca/ de louca/ de estrangeira num espaço como o Festival d’Avignon (um dos pilares culturais da sociedade francesa). Só aquele com olhar exterior aos fatos detém a liberdade de dizer as verdades mais cortantes... Cortante como uma espada... E Liddell mostra que a questão do político em cena, grande pauta do festival desse ano, é muito mais profunda que velhas discussões sobre ética... ...

19 juillet 2016 - CR!T!QUE
Liddell à Avignon : à la recherche de la vraie beauté
Evelise Mendes
J’ai accédé au théâtre et, à ma grande surprise, j’ai remarqué que le premier rang était presque vide. Les spectateurs avaient peur de la grande proximité physique, avaient le taf (mot qui désigne un tremblement des fesses pour signifier que l’on a peur) de ce qui pourrait se passer devant eux… Oui, depuis sa première au Festival d’Avignon 2016, il y a une rumeur (généralement, un ami d’un ami d’un ami avait dit que… à propos du spectacle de Lidell)...

19 juillet 2016 - CR!T!QUE
Fatmeh, Vie et Désir
Malte Schwind
Du 16 au 18 juillet, Ali Chahrour nous présente Fatmeh avec Rania Al Rafei et Yumna Marwan, sur peut-être le plus beau plateau du festival, le cloître des Célestins. 55 minutes de corps sans exotisme, sans sensationnalisme, sans effets spectaculaires, sans sacralité, mais en mobilisant des forces telluriques qui bouleversent notre certitude cérébrale. Avant de commencer Ali Chahrour prend la parole : La direction du Festival lui aurait demandé s’il ne voulait pas dire quelques mots à propos de l’attaque de...

19 juillet 2016 - CR!T!QUE
Espæce d’A. Bory | de la page au plateau, un espace-palimpseste
Caroline Veaux
Par Caroline Veaux, dans le cadre des ateliers d’écriture critique de l’Insensé Dans Espaece, sa dernière création inspirée par la lecture d’Espèces d’Espaces, Aurélien Bory déploie sur le plateau les mots de Perec. Un titre cryptique pour une quête fantomatique, celle d’un espace dans lequel on pourrait enclore le vide, garder la trace de ceux qui ne sont plus là. Au début, il n’y a rien. Du vide, de l’espace, seulement de l’espace. Mais on ne le sait pas. Alors...

19 juillet 2016 - CR!T!QUE
Au risque du nihilisme : 2666 par Julien Gosselin
Jérémie Majorel
Le roman 2666 de Roberto Bolaño, créé au théâtre par Alex Rigola en 2010 à la MC 93, a été réadapté par Julien Gosselin le 18 juin 2016 au Phénix Scène nationale de Valenciennes, puis repris à la FabricA (Avignon) les 8-16 juillet, pour 11h30 de spectacle, entractes compris. Image Christophe Raynaud de Lage Un tombeau littéraire Une de ces « grandes œuvres, imparfaites, torrentielles, celles qui ouvrent des chemins dans l’inconnu […], vrais combats, où les grands maîtres luttent...

18 juillet 2016 - CR!T!QUE
Espæce… (en voie de disparition)
Yannick Butel
Quel petit vélo a bien pu passer par la tête d’Aurélien Bory quand il a ouvert Espèces d’espaces de Georges Perec, publié chez Galilée ? A quelle angoisse – semblable à celle du gardien de but devant le penalty – ses interprètes ont-ils été soumis une heure durant quand il s’est agi de « faire » ESPÆCE, présenté à l’Opéra Théâtre d’Avignon ?… En livrant ESPÆCE, Aurélien Bory s’engage dans un processus d’écriture théâtrale et chorégraphique, une sorte de phrase...

17 juillet 2016 - CR!T!QUE
Un mur se meut – hallucinations, balivernes et puis ?
Malte Schwind
Aurélien Bory présente du 15 au 23 juillet à l’Opéra Grand Avignon, Espaece, pièce de chorégraphie scénographique inspirée du livre de Georges Perec Espèces d’espaces. Une heure de variations et de transformations d’espaces avec cinq comédiens-chanteurs-acrobates-danseurs muets devant ce spectacle qui les dépassent. Comment l’habiter ? Plateau nu. À première vue. Aussi à la deuxième. Après avoir reçu quelques ordres des phrases qui étaient projetées au dessus de leurs têtes, les cinq figures au fond écrivent une phrase en déformant chaque...

16 juillet 2016 - CR!T!QUE
Alors que j’attendais…
Yannick Butel
Accueilli à Marseille, le metteur en scène Omar Abusaada a reçu le soutien des Bancs Publics, de février à avril 2016, pour créer à la Criée Alors que j’attendais. Titre emblématique d’une situation syro-libanaise où le mouvement de l’Histoire semble soumis aux variations politiques et aux conflits armés. Un théâtre didactique, un théâtre de témoignages… « Damas porte d’entrée au Liban » dit-on… Damas, Beyrouth… entre l’Etat syrien (principalement sunnite) et l’état libanais (mosaïque religieuse et laïque) où s’est réfugié...

16 juillet 2016 - CR!T!QUE
A world of pain and shit et son miroir
Malte Schwind
20 Novembre de Lars Norén, mis en scène de Sofia Jupither, se joue du 14 au 17 juillet au Théâtre Benoît-XII. Une pièce qui voudrait nous faire comprendre le « cheminement émotionnel » et les causes de l’acte du jeune coureur d’amok d’Emsdetten en 2006. Prônant la compréhension et l’empathie envers son voisin, ce théâtre veut participer à la paix dans notre chère Europe. Une heure dont on aurait pu se passer. Sofia Jupither considère que l’ « un des ressorts du théâtre...

16 juillet 2016 - CR!T!QUE
20 november… Sébastien le cabossé…
Yannick Butel
Dans un monologue sans relief, sur le plateau de la salle Benoit XII, Sofia Jupither met en scène 20 November de Lars Noren. Un texte qui développe les coulisses de l’ultime moment où un type de 19 ans va se suicider juste après avoir « arrosé » son lycée. Jeu uniforme et plat que le comédien en service commandé pour ce 20 November. Presque immuablement revient au 325ème jour de l’année, à la 46ème semaine… le 20 novembre. Date aussi...

15 juillet 2016 - CR!T!QUE
FC Bergman en pays Nod, ou l’illusoire abri du monde
Arnaud Maïsetti
Het Land Nod (Le pays Nod), de FC Bergman, Parc des Expositions – Avignon 2016 Collectif du monumental, le FC Bergman conçoit des spectacles où les rapports d’échelle sont l’allégorie du monde et des individus souvent écrasés sous lui. S’il a, par le passé, recréé un village entier (300 el w 50 el x 30 el), c’est ici l’immense salle du...

15 juillet 2016 - CR!T!QUE
Tigern, et APRÈS
Yannick Butel
Prenez un festival international (Avignon) qui s’est fixé pour sa 70ème édition d’interpeller le public sur les enjeux du politique. Sollicitez une metteure en scène suédoise : Sophia Jupither qui, sa biographie le souligne (cf. voir plus bas) n’entretient pas vraiment un rapport à cette injonction festivalière. Ajoutez-y le texte d’une auteure de 33 ans considérée comme « l’enfant terrible » des nouvelles dramaturgies roumaines et, accessoirement, portée par les médias roumains comme l’une des 100 femmes les plus influentes...

15 juillet 2016 - CR!T!QUE
Warlikowski, combattre les fantômes de l’histoire
Arnaud Maïsetti
Il Trionfo del Tempo e del Distinganno, Oratorio, Livret du cardinal Benedetto Pamphili Musique de Georg Friedrich Haendel (1707) Mise en scène Krzysztof Warlikowski, direction musicale Emmanuelle Haïm, Festival d’Art Lyrique – Aix-en-Provence 2016 Depuis la cour de l’Archevêché d’Aix-en-Provence, des siècles de terreur nous contemplent : terreur d’un pouvoir religieux qui imposa sur les corps et les âmes sa loi morale, terreur politique et mentale d’une foi qui dicta les canons de la pensée et de l’art. Des siècles durant,...

14 juillet 2016 - CR!T!QUE
« Bonjour » Tristesses…
Yannick Butel
Quand la metteur en scène Anne-Cécile Vandalem expose quelques-uns des traits qui ont servi à construire Tristesses (présenté au Gymnase Aubanel), elle évoque Gilles Deleuze. Notamment quand le philosophe de Vincennes, soucieux des flux et des connexions, parlait, à propos de la tristesse et de la joie, de « lignes ». Une ligne de tristesse (afin d’expliquer cet état) relevait alors de la pression inconfortable d’un corps sur un autre corps. Regardant Tristesses, on regrette que Vandalem n’ait pas pris...